
Comment changer de vie en ne faisant rien
Cet article a été initialement publié sur le défunt blog "Comme une aile de Papillon", en février 2017. Ce fut mon premier article de blogueur.
Si je le reproduis aujourd'hui, c'est pour deux raisons :
- du point de vue pratique, je crois toujours plus de professionnels épuisés qui peinent à prendre soin d'eux. Je sais combien c'est difficile à notre époque, je suis également concerné. Et ce dont je parle dans cet article m'a beaucoup, beaucoup aidé, et continue à le faire au quotidien.
- d'un point de vue plus général, je considère que les usages de l'énergie dans le "monde extérieur" et dans notre intimité ont de profonds liens. Comment porter une parole de modération si on n'est pas capable de l'appliquer à son propre vécu ? Comment contribuer à un "monde meilleur" si on ne parvient pas à respecter sa propre santé ? Comme sur d'autres sujets, je pense essentiel d'approfondir les dimensions personnelles des approches énergétiques.
Je vous souhaite de prendre grand soin de vous.
Et si vous changiez de vie dès ce soir ?
Ce n’est peut-être pas la première fois que vous vous dites qu’il y a des choses à changer dans votre vie. Peut- être depuis des années, périodiquement, vous rentrez le soir en vous disant que la coupe est pleine.
Cela peut recouvrir beaucoup de choses comme s’épuiser à un travail qui a perdu son sens. Mais aussi sentir obligé d’aller à des rendez-vous ennuyeux, ou simplement sentir confusément un décalage entre la réalité et « ce que ça devrait être ». C’est peut-être le plus compliqué : bien souvent, la sensation est confuse. Il est bien difficile de déterminer ce qu’il faut garder et ce qu’il faut changer. Et par conséquent, il est bien difficile de savoir par où commencer.
Est-ce que pour cela que les résolutions ne tiennent pas ? Qu'on répète « je vais reprendre le sport, donc être plus en forme, donc me détendre, donc me sentir mieux le soir » ? Raisonnement interchangeable avec «je vais changer de boite, donc changer de chef, donc me sentir mieux, et le reste suivra ».
Soyons clair : si ça marchait, il n’y aurait pas des milliers de gens demandant à Google « comment changer de vie ».

Selon Google, les gens font autant de recherches sur le changement de vie que sur le changement de voiture.
Pire : Non seulement ça ne marche pas, mais c’est usant, parce que le « changement de vie », bien souvent, on croit que c’est une révolution, une grosse épreuve qui, une fois franchie, s’ouvrira sur un océan de béatitude.
Et pourtant c’est tellement essentiel ! Comme vous, plusieurs fois ces 15 dernières années, j’ai senti ce grincement. Plusieurs fois j’ai fait des pas de côté. Ils étaient parfois mineurs, et parfois des bonds à travers un océan. En fait, la question ne se pose pas de savoir si c’est « important » de résoudre cette impression de décalage entre la réalité quotidienne et ce à quoi on aspire : bien souvent, on n’a juste pas le choix, il FAUT trouver quelque chose. A force de me poser la question moi-même et d’échanger avec de multiples personnes à propos des « reconversions », quelles qu’elles soient, je pense avoir largement balayé ce point essentiel :par où commencer ? Quel est le premier petit pas qui appelle les autres ? Où est le début du chemin vers les grands changements dans ma vie ?
Le premier pas... j’aimerais juste faire le premier pas.
Aujourd’hui je pense que j’en ai un à proposer. Il est à la fois minuscule en apparence, et tellement difficile que j’échoue bien souvent à le mettre en pratique. Il a néanmoins l’avantage de pouvoir être refait plusieurs fois jour. Avant de vous dire de quoi il s’agit, laissez-moi vous en vanter les mérites en forme de devinette :
- c’est un changement qui ne demande aucun investissement. Rien à acheter sur un site spécialisé ou en grand magasin, aucun coach à payer, aucune application à installer sur votre smartphone.
- c’est un changement qui améliorera radicalement votre santé générale et votre bien-être. Je parle ici de la santé du corps comme de la santé de l’esprit. Tant qu’à y être, vous aurez l’air plus jeune de 5 ou 10 ans.
- c’est un changement extrêmement adaptable à votre contexte particulier, et qui ne demande aucune prédisposition. Sa pratique est sans danger, universelle, sans surdose possible et pour tous les âges.
- c’est un changement qui vous apportera de la paix intérieure et de la lucidité, un peu comme si votre esprit avait pris un bain de jouvence. Ça tombe bien, réfléchir aux changements de votre vie demande exactement cela
- c’est enfin un changement qui vous rendra plus productif, quelque soit la réalité que vous mettiez derrière ce mot. La productivité peut vous aider à passer moins de temps au travail, ou a y accomplir de plus grandes choses. Elle peut aussi vous aider à construire plus efficacement n’importe quelle « alternative » aux principaux segments de votre vie.
Avez-vous une idée ? Ou peut-être vous dites-vous que je vais tenter de vous vendre un produit ou une méthode miracle ?
Ce premier pas que je recommande aujourd’hui à toute personne qui souhaite produire un quelconque changement dans sa vie a un nom (et même un prénom) : Le sommeil. Et je vais vous dire pourquoi, et surtout comment.
Quand le sommeil manque
Automne 2010, je suis papa d’un petit garçon depuis presque 2 ans. Et il ne dort toujours pas. Oublions pour l’instant les aspects sociaux de la situation, genre « ce ne serait pas à cause du cododo ? » ou « ah, le mien, après qu’on l’ai laissé pleurer une nuit entière, il a super bien dormi »... Mon problème brûlant, c’est que cela fait 2 ans que je suis en dette de sommeil profonde. Les conséquences directes sur ma vie sont : difficultés à réfléchir, manque d’entrain, et surtout, une qualité relationnelle qui s’effondre, même avec ceux qui me sont proches. Le pire, c’est que quand je me couche, je n’arrive pas à m’endormir, stressé par l’injonction « il faut dormir ».
Été 2015. J’enchaine burn-out et divorce, deux épreuves qu’on ne peut souhaiter à personne. La conséquence immédiate, dès le déclenchement (un peu comme un accouchement !), c’est la perte quasi-totale de la capacité de dormir. Y compris sous médicaments (il y a des cas d’urgence...), je reste à écouter la nuit jusqu’à 1h passée et me réveille comateux vers 5h.
Le point commun de ces deux situations ? Je les considère comme des miroirs. Dans le premier cas, le manque de sommeil entrainait un effondrement des différents pans de ma vie, en commençant par les plus « extérieurs ». Dans le deuxième, c’est l’effondrement intérieur qui entraine, entre autres choses, la perte de mon aptitude à me reposer.
Et si le sommeil était à la fois le problème ET la solution ?
Je n’entrerai pas ici dans les considérations scientifiques autour de la « gestion » normale du sommeil ou son aspect hormonal. En temps normal, on peut apprendre à organiser toutes ces choses qui aident à un sommeil de qualité en quantité suffisante. Vous trouverez des ressources utiles dans les livres cités plus bas.
Mais la question qui se pose est différente : comment gérer ces situations où le sommeil « normal » n’est plus possible ? Ce que je trouve passionnant, c’est la rétro-action : la dégradation de la qualité du sommeil diminue notre capacité à résoudre la situation qui provoque cette dégradation, et vice-versa.
Certes, toutes les situations de ce genre ne sont pas des « urgences », générées par un contexte extérieur, comme le burn-out ou un bébé insomniaque. Elles peuvent être générées par ce « simple » sentiment de décalage intérieur, celui qui nous donne envie de faire une recherche « changer de vie » sur Google.
Vu de cette manière, l’état de fatigue et la « gestion » du sommeil présentent l’immense avantage d’être à la fois :
- un indicateur : au cas où on ne l’aurait pas remarqué, l’état de fatigue nous alerte sur le fait que quelque chose ne va pas, même si on n’en identifie pas clairement la source.
- un moyen d’action : faire « quelque chose » sur notre état de fatigue nous rend plus apte à comprendre et organiser les petits et grands changements de notre vie.
Prendre la question du sommeil par l’un des bouts... ou par le milieu
Quand la situation est telle qu'on perd le sommeil, la question ne se pose plus en termes de qualité, mais en quantité. Le corps réclame sa dose l’esprit également. Laissons donc de coté les questions de qualité et de type de sommeil (lent léger / lent profond / paradoxal, etc.). Il y a alors trois manières d'organiser un premier pas vers une quantité de sommeil accrue :
Se lever plus tard
La stratégie de l’étudiant : tous ceux qui travaillent ou s’occupent de personnes qui se lèvent savent bien qu’il est difficile d’organiser une grasse matinée. Et quand bien même on y arrive, encore faut-il avoir gardé cette capacité à « trainer », qui est l’une des premières que l’on perd en situation d’urgence. Je considère donc que la grasse matinée n'est pas un moyen fiable pour réduire ma dette de sommeil.
Se coucher plus tôt
Stratégie historique : avant l’arrivée de l’électricité, la vie nocturne était fort réduite. Nous étions plus ou moins synchronisés sur le soleil. Nous nous couchions plus tôt, avions un sommeil naturellement bi-phasique avec une phase d'éveil nocturne de 1 à 2 heures, puis re-dormions quelques heures. Depuis, la lumière est arrivée, ainsi que le journal de 20h, Koh-Lanta le vendredi soir. Maintenant, Facebook se glisse aussi dans le lit... Les sollicitations extérieures le soir sont nombreuses : la journée étant souvent prises par les « obligations », la soirée devient l’espace de liberté. Parfois, je parviens à me faire une « grasse soirée », en me couchant à 9h en même temps que les enfants. Je mesure néanmoins la difficulté à tenir une telle discipline plus d’une ou deux fois par semaine, car j’ai l’impression de « sacrifier » du temps de loisir ou social pour mon sommeil. Ainsi, à mon grand regret, je ne pratique la « grasse soirée » qu’en cas de dette importante... ou quand je suis en itinérance à vélo ou en fourgon (donc au rythme naturel).
Ajouter des siestes
La stratégie gagnante : la sieste m’a sauvé la vie. Phénomène culturel et naturel, elle a quasiment disparu avec le monde industriel, en tous cas dans nos pays. Une machine ne fait pas la sieste. Je parle bien sûr d'une sieste de 20 minutes (ou « Power Nap »), pas d’une mini-nuit de trois heures incluse dans la journée. L’organisation de deux siestes de 15 à 20 mn dans la journée ne présente quasiment aucune difficulté. En tous cas... apparemment. Les variantes sont infinies : par terre dans le bureau, dans la voiture, assis, couché, dans un jardin public, dans un train, etc. Sentez-vous affluer toutes les raisons « non objectives » de ne pas essayer ? Toutes celles qui impliquent « mais pour moi, ce n’est pas possible » ? Les mêmes qui empêchent tout changement de vie. Et oui : je dois lever les mêmes difficultés pour m’organiser une sieste que pour prendre ma vie en main. J’aime la sieste parce que c’est une illustration directe de ma capacité à faire une expérience minime (franchement... 20 minutes !), à m’observer (indépendamment de la littérature, ça me fait du bien ou non ?), à prendre soin de moi et à débrancher des sollicitations extérieures (déjà... 20 mn). C’est un bon début, non ?
Tout petit guide de la petite sieste
Pour la sieste comme pour le travail de la musique ou l’apprentissage d’un poème, les mots « faire la sieste » ne disent pas grand chose aux débutants. Il y a d'abord l’organisation matérielle à résoudre. Mais surtout, je trouve aidant d’avoir quelques indications sur ce qui se passe « à l’intérieur ». Je trouve que de nombreux « guides de la sieste » définissent un cadre idéal qui ne survient que rarement (genre « au calme », « dans la pénombre »), limitant les occasions alors que franchement, on y arrive (presque) tout le temps. Je trouve également qu’il y a un « chemin vers le sommeil », et je vous propose quelques éléments qui me permettent aujourd’hui de le retrouver plus facilement.
- Si possible, guettez le moment où vous commencez à vous sentir las.se. Pour moi, cela se trouve souvent vers 14h et 18h. Il suffit de s’écouter (oui, parfois, ce plus facile à dire qu’à faire !). Ne vous prenez pas la tête, sentez.
- Trouvez-vous un endroit aussi calme que possible. Ne cherchez pas l’endroit parfait, faites au plus simple et proche. Les bruits neutres et blancs (genre ronronnement d’un moteur, chants d’oiseaux bruits de circulation un peu lointains, etc.) ne sont pas un problème, nous avons la capacité de « débrancher ».
- Éventuellement, prévenez l’entourage susceptible de vous déranger (volontairement ou non) que vous êtes indisponible pour 20 mn. Vous n’êtes pas obligés de dire « pour faire une sieste » ou « pour dormir », d’autant que comme nous allons le voir, vous n’allez pas forcément dormir.
- Prévoyez impérativement un minuteur et réglez-le sur une durée de 15 à 20 minutes. Pas plus ! Personnellement, j’utilise mon téléphone portable (en mode avion).
- Trouvez-vous une position confortable, allongée (ma préférée), ou assis, et fermez les yeux.
- Eventuellement, équipez-vous pour le sommeil. J'utilise aujourd'hui :
Le voyage intérieur
Habituellement, les instructions s’arrêtent ici, et débrouillez-vous avec ce qui se passe en vous ! Je vous recommande de vous guider avec ces quelques éléments :
- Vous ne cherchez pas à dormir. L’état qui va survenir n’est pas le « sommeil de la nuit », ne vous inquiétez donc pas de sentir que vous ne dormez pas.
- Ce temps est pour vous. Votre seul objectif est de ne rien faire pendant ces 15 ou 20 minutes, et surtout pas vous inquiéter du temps qu’il reste : le minuteur s’en occupe. Votre objectif est à la fois minuscule et énorme : vous ne ferez rien d’autre que « ne rien faire » pendant ce temps.
- Restez à l’intérieur. Je vous recommande de simplement « regarder à l’intérieur ». Pour cela, je tourne mon regard vers une ligne imaginaire qui longe ma colonne vertébrale, à l’intérieur de mon corps, et je l’inspecte, de haut en bas, très attentivement. Vous pouvez également vous intéresser à votre respiration, ou inspecter votre squelette. N’importe quoi qui fait que votre attention est à l’intérieur de vous, et non à l’extérieur. C’est une clé importante : votre sujet d’intérêt pour ce temps est à l’intérieur (pas à l’extérieur) et dans votre corps (pas votre esprit ou vos idées).
- Quand le minuteur sonne, revenez. Il se passera peut-être l’étrange phénomène suivant : vous avez constamment l’impression de ne pas dormir, et puis quand la sonnerie retentit, vous vous réveillez. En tout cas, surtout, ne replongez pas ! Sortez de la sieste, et au besoin, promettez-vous d’en faire une autre dans quelques heures. Mais ne dépassez pas 20 minutes.
Un premier pas.
Bien souvent, j’ai pensé que pour prendre soin de moi impliquait un changement radical, ou bien apprendre une nouvelle pratique. Plus cette nouvelle pratique était imposante (comme la méditation zen), plus je me disais que ma vie allait s’améliorer. Je continue à faire cette erreur de débutant. Cela m’amène toujours de la frustration, genre « et voilà, encore une résolution que tu ne tiens pas ». La vie est assez difficile comme ça ! La sieste a l'avantage immense de sembler anecdotique, beaucoup plus que la Pleine Conscience ou la Méditation (majuscules...). D’une certaine manière, elle nous est familière. Et comme elle est simple, ses effets sont immédiats et spectaculaires.
Je considère qu’elle m’a sauvé à de multiples reprises. Elle peut aussi être approfondie et organisée à un niveau stratégique. Ainsi, de nombreuses personnes fonctionnent en sommeil polyphasique. C'est le cas des développeurs informatique en période de production intense, les navigateurs ou les militaires. Toutes personnes qu’on ne peut pas vraiment taxer de fainéantise, au contraire.
Essayez la sieste. C'est un entraînement complet au changement de vie. Et je suis sûr qu'il vous en permettra bien d'autres.
Quelques ressources :
Une belle infographie de visual.ly (en anglais), résumant de nombreuses données.
Le livre Apprendre à Dormir, du Dr. Eric Mullens.
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