L'histoire d'un ballon de confettis

  • 11 Février 2019
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Cet article est un "article invité"

Caroline Ruelle est une amie de longue date de "mon autre vie". C'est une artiste merveilleuse, auteur, compositrice et interprète. Vous l'avez peut-être croisée sur les routes. Nous échangeons souvent à propos de nos cheminements dans les "alternatives".

Et récemment, elle m'a envoyé ce texte, ses voeux pour 2019. J'en ai été tellement touché, je l'ai trouvé tellement en phase avec les questionnements de tant de personnes que je croise, que je lui ai proposé de le publier ici. Elle a accepté, je l'en remercie. Je vous laisse donc avec Caroline et son ballon de confettis.

 

L'histoire d'un ballon de confettis

 

J’aime cette idée. Ce geste gratuit d’envoyer des souhaits, comme on lâcherait un ballon de confettis dans le ciel, confiant que le vent ira fêter ceux qu’on aime. Ce geste d’optimisme pur. Mais c’est quoi l’optimisme? Et puis-je être optimiste en janvier 2019 ?


En fait, j’ai essayé de vous écrire mes voeux pour 2019.


Nous sommes le vendredi 25 janvier 2019. Je suis en Alsace. De l’autre côté de la fenêtre devant laquelle est installé mon ordinateur portable, il y a une petite plaine enneigée, quelques arbres dénudés par l’hiver, des petits chemins qui serpentent entre des châlets, et un lac au fond. Beau, calme, gelé, animé de quelques canards qui n’aiment pas me voir approcher de cette splendeur suspendue. C’est une petite base de loisir où je vais loger deux nuits. Je l’imagine bondée en été. Là c’est l’hiver et j’en suis visiblement la seule occupante. Cet endroit appartient à la mairie, ils y logent les artistes de passage pour un concert.

Il fait calme. C’est beau. Ça me fait du bien. 

 

Mes voeux, je n’y arrive pas. 

Alors, en me préparant pour le concert de ce soir, je regarde un énième documentaire sur l’avenir de notre planète, conseillé par ma mère : « La terre est-elle (vraiment) foutue? », retransmis sur la RTBF il y a une semaine. Je suis rodée. J’en ai vu plein. Je connais à peu près tous les intervenants, dont j’ai lu les livres ou écouté les interviews. Celui-ci n’y va pas de main morte, musique angoissante et images de fin du monde. Au passage, je note quelques infos que je ne connaissais pas. Je note aussi que les intervenants commencent à sortir de leur réserve et de leur neutralité. Et c’est émouvant, un expert qui parle avec des larmes de colère dans la voix. Je suis rodée, mais je note une évolution. L’incertitude et les précautions disparaissent d’émission en émission. Et puis maintenant chiffres et images sont réels, là où avant c’étaient des spéculations sur le futur. Maintenant on peut montrer la banquise qui s’effrite en direct ou la Californie qui se transforme en désert. Des villes où la montée des eaux commence à chasser les populations aussi (mention spéciale pour le conseil des ministres des Maldives, tenu sous l’eau en costume de plongée, pour alerter...). 

L’expert réapparaît à l’écran. 

Je le regarde. 

Je regarde dehors par la fenêtre. 

Un héron.

 

L’expert, c’est Dennis Meadows. Il jouit d’une triste célébrité. Il a annoncé en 1972, avec ses collègues, ce qui arrive aujourd’hui à notre planète...  (célèbre Rapport Meadows, dit aussi Rapport du Club de Rome) Je regarde cet homme aux cheveux blancs, lunettes de scientifique, barbichette. Comment n’est-il pas devenu fou? Il explique qu’à l’époque, en 1972, quand il était encore le beau brun de la photo, il y avait cru. Sincèrement. Cru que leur rapport changerait quelque chose. En plus, il était encore temps. Il avait même eu l’oreille du Président Reagan ! 

Cela fait 47 ans que celui-là contemple chaque jour l’Homme casser son plus beau jouet (et le seul grâce auquel il peut rester en vie). 47 ans qu’il sait. Et qu’il voit que personne ne réagit. Qu’il voit les étapes passer. Il dit qu’on a depuis longtemps passé le point de non retour. Que chaque jour on le dépasse. 

47 ans. 

Comment n’est-il pas devenu fou?

Je regarde par la fenêtre. 

Le héron. 

Sur mon écran. 

Dennis Meadows.

Comment réconcilier les deux?  

 

En cet instant, hormis dans le rectangle de mon ordinateur, il n’y a pour moi ni black out, ni incendie démesuré, ni ouragan infernal, ni pollution intenable, ni guerre civile, ni effondrement. Sauf peut-être celui des oiseaux... Derrière ma fenêtre, j’ai chaud, j’ai un café, donc de l’eau, de l’électricité, du wi-fi, je suis en contact avec ceux que j’aime, je vais bien, je vais monter sur scène, tout à l’heure, je vis de la musique. Excessivement privilégiée. 

Et pourtant. Comment continuer? Où vais-je oser mettre mon prochain pas? Comment ne pas mourir de honte et de culpabilité? Comment ne pas disjoncter maintenant que je devine les horreurs qui se cachent derrière chacun de mes gestes, en premier celui de taper ce texte sur cet ordinateur, grâce à la connexion 4G de mon GSM posé à côté ? Les désastres du plastique qui est partout autour de nous, la malédiction des déchets, les ravages écologiques de notre agriculture, l’absurde folie énergétique... 

Mon ballon de confettis me reste amèrement entre les mains.

 

 

L’effondrement

 

Cette question m'habite depuis 2017. Depuis que j’ai ouvert « Comment tout peut s’effondrer », de Pablo Servigne et Rapahael Stevens. Avant, je savais déjà, pourtant. Je savais pour le réchauffement climatique, la pollution, l’incohérence énergétique, l’absurdité du principe de la dette, l’impasse démocratique, l’injustice sociale, notre rôle dans les guerres lointaines. J’étais déjà dans une démarche de sobriété, alimentaire ou matérielle. Dans un retour à la nature. Dans une réflexion critique sur la démocratie. Dans une recherche de transition intérieure. 

Après avoir vu le film « Demain » en 2015, j’ai modifié certaines de mes habitudes. Par exemple, j’avais été touchée de comprendre qu’un euro dépensé par moi dans un commerce local payait réellement quelqu’un d’ici pour son travail, alors qu’un euro en grande surface partait enrichir un milliardaire, probablement hors d’Europe. Depuis 2015, je ne mets plus que rarement le pieds en grande surface, je n’achète plus aucun plat préparé, de légumes n’étant pas locaux et de saison, ni de viande, ni de jus préparés ou autres produits industriels, je boycotte Amazon et la Fnac et achète mes livres chez le petit libraire du coin, j’achète comme produits de beauté essentiellement des basiques naturels, j’ai un lombricomposteur, un jardin (que je ne tonds pas toujours ou pas en entier, ce qui en a fait marrer plus d’un), je limite un max l’achat d’électro-ménager, j’essaye de prendre le train et pas la voiture, d’acheter mes habits et mes meubles en brocante et recycleries, d’avoir toujours une gourde avec moi et de refuser les bouteilles d’eau. Je m’étais aussi rapprochée de l’Alliance citoyenne grenobloise, embryon magnifique d’une démocratie qui rend réellement leur puissance aux individus. Bon. Pas moyen par contre de me passer de smartphone et d’ordi portable, de ma voiture dès que j’ai du matos avec moi, ou de renoncer à aller au Canada, en avion...

 

Mais grâce à ce film, bisounours ou pas, j’avais eu un vrai regain de force, et j’avais pu lâcher plusieurs ballons de confettis.

Deux ans plus tard, le bouquin de Pablo Servigne m’a sidérée. Ce que ce livre a changé pour moi, c’est qu’il a donné chair aux constats abstraits. 

Pour la première fois, j’ai un déclic émotionnel et pas intellectuel. Ce ne sont plus les mots « pénurie », « black out », « famine » ou « épidémie » que j’entends. Je vois le chaos potentiel dans chaque bout de mon quotidien. Je découvre avec horreur notre fragilité, notre dépendance, notre manque d’autonomie. J’entrevois les processus que nous avons déclenchés. Notre vulnérabilité. Et celle de notre planète.

Peut-être ceux-là ont simplement utilisé la puissance d'un récit morbide et fascinant : la fin du monde. Récit aussi vieux que le monde, justement. Oui peut-être. 

Mais un matin de novembre 2017, scène de fin du monde à la pompe du Leclerc de Chatte : le camion citerne est bloqué à Valence, la pompe est vide, mais le pompiste n’a pas le temps de fermer l’accès, en quelques minutes la pompe est saturée, les gens entassés, qui commencent à s’énerver, une agressivité incroyable mêlée d’une inertie absurde (les gens s’entassent, bloquent tout le monde, personne ne réfléchit). J’en sors bouleversée. Je réalise que je n’avais jamais envisagé vraiment, malgré tout ce que je savais, que mon petit monde sombre dans le chaos. 

Mon ballon est explosé, les confettis au sol, à mes pieds.

 

Très égoïstement. J’ai réalisé à quel point je suis fragile. Comme chauffage j’ai un très beau poêle (connecté au wifi, thermostat, allumage à distance, etc!) à granulés... qui ne chauffera plus guère sans électricité. Je ne sais pas où aller chercher de l’eau si ce n’est à mon robinet. Je peine à faire pousser des tomates dignes de ce nom dans mon jardin si la jardinerie ne me fournit pas en plants greffés. Sans voiture, je suis coincée à 6 km du premier commerce, et je n’ai même pas de vélo. Sans transports et moyens de communication, je suis surtout à 900 km de ma famille. 

Allons plus loin dans l’égoïsme... Après lecture de ce livre, j’ai pleuré parce que ça fait 13 ans que je construis à la force de mes poignets une vie qui a du sens pour moi : vivre de la musique, être payée pour écrire des chansons, jouer du piano et de l’accordéon, chanter, monter sur scène, faire rire, émouvoir. J’adore ce métier.  Je suis passionnée. Accro, en fait. Je suis fière comme un paon que notre groupe marche, que le public fasse notre succès, qu’on soit parties quatre fois au Canada (en avion of course), qu’on mette de la lumière sur les visages partout en France, en Belgique, même à Bahrein ! 

Le bilan carbone de ma fierté est à pleurer... 

L’année dernière, j’ai aussi pleuré quand je me suis prise de passion pour les claviers vintage. J’aime tant jouer du Moog et du Mellotron. Ils me font rire, vibrer, danser, ils m’inspirent des chansons... Mais sans électricité ce ne sont que des bouts de plastique. 

J’ai pleuré sur mon rêve d’un jour écrire un livre. D’ici que je l’écrive, y aura-t-il encore de quoi l’imprimer? Le diffuser? 

J’aurais bien tout laissé tomber. Mes petits gestes me semblaient tellement absurdes. Je ne dormais plus. Après avoir erré dans une grande surface comme un zombie, incapable de saisir dans le rayon ce que j’étais venue chercher, voyant derrière chaque produit la mort de mon monde et de ma planète, j’ai bien cru que ma santé mentale sombrait. Mon papa m’a dit de mettre ce livre de côté. Ce que j’ai fait. 

 

 

La reconstruction 

 

Il m’a fallut un an, pas à pas, pour être capable d’y revenir. Pour parvenir à me reposer la question : bon, alors, que vais-je faire, et que vais-je être ? Mais sans succomber cette fois à la fascination morbide de ce puissant récit. 

Un an pendant lequel j’ai nourri mon enthousiasme et mon amour de la vie. Ma passion pour le vivant, la nature, et pour tout ce qui nous relie. Un an pendant lequel j’ai retrouvé la joie du feu d’artifice, la brûlure de nos corps vivants, la source fraîche du rire, la pureté de l’innocence, la nourriture de la légèreté. J’ai rassemblé les confettis un à un. J’ai regonflé le ballon. Tout doucement.

Puis j’y suis revenue, à ce livre et à son message. Plus forte, et cette fois pas seule. Clin d’oeil de taille, Pablo Servigne et ses acolytes ont publié la suite du premier bouquin. Et le deuxième tome ne parle que de ça :  reprendre ses esprits et aller de l’avant. 

Car, un an plus tard, en fait la situation a déjà changé. Comme le ton de ce documentaire, que je regarde aujourd’hui, beaucoup plus lucide. Le déni recule. Face aux manifestations concrètes et visibles du réchauffement climatique, mais aussi à l’absurdité de plus en plus flagrante de notre système en entier. Ces dernières semaines, les appels à la mobilisation, les rassemblements, les cris d’alarme ne cessent plus. Parler de catastrophes est un peu plus audible. Un peu.

47 ans que Dennis Meadows parle, dans la nuit de notre surdité... 

Comment n’est-il pas devenu fou? 

Qu’a-t-il fait, lui de ses confettis ? 

« La lucidité est la blessure la plus proche du soleil. » (René Char)

Je suis définitivement un animal livresque... cet hiver, c’est dans les livres que j’affronte la lucidité qui me taraude. Essais, études, articles, interviews, romans. C’est plus fort que moi, je sens que je ne peux plus attendre pour m’y confronter. C’est douloureux. Je réouvre le coffre où j’avais caché mes angoisses. Je remets côte à côte les constats, les chiffres, les témoignages de scientifiques. Je pleure à nouveau. Je m’emporte à nouveau. J’effraie mes proches. Mon ballon tangue sous mes tempêtes. 

 

Pas seule

Mais cette fois, c’est différent. Cette fois je ne suis plus seule, et je découvre que des âmes sages ont foulé ce chemin devant moi. C’est différent grâce à Pablo Servigne, à Cyril Dion, à Joanna Macy, à Alain Damasio ou Géraldine Remy, dont je dévore les différents livres, grâce au groupe Facebook « la collapso heureuse » (je suis touchée quand je découvre que chaque jour des gens rejoignent ce groupe avec la même sidération et les mêmes écueils que moi) et grâce à ceux de mes amis avec qui je peux parler librement de tout cela, livrer mes peurs, mes colères, mes peines, envisager de profondes remises en question sans passer pour une folle ou une dépressive.

Je découvre donc que je ne suis pas la seule à éprouver ces émotions bouleversantes. Je souris en me reconnaissant dans les témoignages de boulimie d’informations, de sentiment de honte et de révolte, puis dans les sensations d’isolement et de décalage douloureux. Je ris de moi-même quand ils parlent d’angoisses seul derrière son bouquin et son écran. Je soupire quand j’identifie que, dans l’échelle de prise de conscience de Paul Cherfuka, je suis au « stade 5 » : « Stade auquel on adopte le point de vue qu’il ne s’agit plus d’un problème qui réclame des solutions, mais d’une situation inextricable qui ne sera jamais résolue, qui invite plutôt à emprunter des chemins de traverse pour apprendre à vivre avec, du mieux possible. On réalise alors que la situation englobe tous les aspects de la vie et qu’elle nous transformera profondément. Sentiment probable de dépassement, d’épuisement et risque réel de dépression ».

Ca paraît peut-être idiot, mais j’ai envie de pleurer de soulagement quand je lis sous la plume de ces divers auteurs : «  Nous restons convaincus qu’il est possible de comprendre, de dire et vivre les catastrophes et les souffrances qu’elles engendrent sans renoncer à la joie et à la possibilité d’un avenir. (...) (On peut apprendre à) naviguer dans cet équilibre clair-obscur, sans renoncer à la lucidité ni au réel, mais sans renoncer non plus à un avenir possiblement joyeux, et en tous cas terrestre. »

A partir de là, je m’embarque dans quelque chose de nouveau. D’un côté, la lucidité me transforme en profondeur, m’oblige à remettre en question encore plus notre société, la place que j’y tiens et donc ma vie. D’un autre côté, je découvre un nouvelle source de force. Dans cette lucidité. Dans cette paix que je fais avec mes ombres. Je ne l’ai pas lâché au ciel, mais le ballon est à nouveau droit à mon côté. 

 

« Il faut chercher à cerner et à étreindre la terreur pour éprouver sa validité... et commencer à la maîtriser. »

«  Cette douleur est le prix de la conscience dans un monde menacé et souffrant. Dans tous les organismes, la souffrance a une finalité : celle d’un signal d’alarme. Non seulement elle est naturelle mais c’est une composante indispensable de notre guérison collective. »

« La peine est plus que la réaction naturelle à une perte, c’est une initiation... »

« Plus fondamental que toutes les idées est l’acte de courage et d’amour que nous posons quand nous osons regarder notre monde tel qu’il est. » 

Je découvre à quel point notre culture contemporaine est dressée à refouler et qualifier de dysfonctionnelle la douleur, la peine, la colère. Sans doute est-ce très bien d’être positif, mais il me semble que ça ne suffit pas. Que refouler la moitié de ce qui me constitue (ombres, douleurs, malaises)  m’aliène de moi-même, et de ma capacité à agir. Mes dénis quotidiens me semblent une abdication de mon pouvoir d’action. Je me surprends à remettre en question pour la première fois ma notion d’espoir. Je découvre que l’espoir peut être passif (mais donc aussi actif...). Et que le désespoir n’est pas forcément un monstre effrayant, mais peut nous donner la force de nous dépasser. Je découvre que le chaînon manquant, dans la communication des catastrophes en cours, celui qui fait que « ça ne fait bouger personne », c’est peut-être l’émotion. La colère, la peur, la peine pour notre monde. 

Pablo Servigne dit que les déclics qui mettent les gens en action ne sont pas des prises de conscience mais des « prises d’émotion ». Il dit que traverser ces souffrances nous reconnecte pleinement à nos ressentis et à notre capacité à aimer. 

J’ai besoin de cette traversée-là, de cette réconciliation avec mes ombres, mes monstres et mes apocalypses intérieures, pour reprendre mes esprits. Et imaginer la suite.  

Parce qu’il y a une suite. 

Je suis ébahie face à l’enthousiasme que déploient toutes ces personnes, pourtant plus convaincues que moi et depuis plus longtemps des catastrophes en cours et à venir. Je voudrais partager chaque nom, chaque livre, article, interview tant je découvre qu’à partir de ce point-là, à partir de cette douleur première pour le monde, il y a mille choses passionnantes à entreprendre, à penser, à tester, à imaginer, à créer, à rater, à essayer encore, à vivre au plus profond de nous. Les yeux grands ouverts. Ça y est, les confettis trépignent... 

 

 

Je suis perdue et pleine de doutes face à notre situation. Mais je ne me sens plus impuissante. 

« Le remède au désespoir n’est pas l’espoir, c’est la découverte de ce que nous voulons faire pour ce qui nous importe. » (Margaret Wheatley)

Je ne sais pas plus qu’avant de quoi demain sera fait. Mais quelque chose dans mon paradigme intérieur s’est modifié. J’ai accepté que tout ce que je connais pourrait disparaître très bientôt. Je continue de m’informer pour mieux comprendre les impacts de mon mode de vie, je modifie progressivement ce que je peux, en tendant vers plus d’autonomie. J’ai reformulé ce qui me semble essentiel dans ma vie. Et je découvre que mes liens avec les autres et la nature passent bien avant tout le reste. 

Je réapprends la tolérance en me méfiant de mes propres certitudes, dont toutes celles que j’évoque ici ! Je réapprends la force de l’élan avant l’optimisme, et le courage avant l’espoir.  

Je ne sais pas encore ce qui découlera de tout ça. Et je dois désormais composer avec des nuages noirs que je ne repousse plus sous le tapis. Mais je découvre, comme le disent les « collapsonautes », que mon optimisme ou mon pessimisme dépendent surtout de comment j’ai dormi. L’essentiel est ailleurs :  mon enthousiasme est de retour. 

 

J’ai envie

 

J’ai envie d’aller à la rencontre de mes voisins, de mon village, quelles que soient leurs convictions. 

J’ai envie d’apprendre à mieux cultiver la terre, mais en collectif et pas juste seule pour moi ou les miens. 

J’ai envie de répondre à l’appel de ceux qui disent qu’on manque de récits pour imaginer une société soutenable et compatible avec la vie. 

J’ai envie de réapprendre à vivre sans détruire la nature. 

J’ai envie d’apprendre à réparer, bricoler, réutiliser. 

J’ai envie de réinventer mon métier pour qu’il n’aille plus à l’envers de mes valeurs. 

J’ai envie de sortir de cette obligation de courir toujours. Plus vite, plus loin. 

J’ai envie de ralentir et d’avoir le temps pour ce qui compte.

J’ai envie de désapprendre à consommer bien au delà de mes vrais besoins. 

J’ai envie de chasser l’inconscience de mes gestes.

J’ai envie d’apprendre la sobriété, la conscience, la vitesse juste.

J’ai envie d’être armée, éduquée, formée aux outils de démocratie et de gouvernance partagée. 

J’ai envie que mon village soit un village en transition et de m’impliquer pour ça.

J’ai envie de me préparer à être une personne solide et résiliente en cas de besoin. 

J’ai envie d’accueillir, de partager, de mutualiser. 

J’ai envie d’être prête à désobéir, à me révolter, à m’insurger. 

J’ai envie d’être prête à explorer de nouvelles voies de vivre ensemble. 

J’ai envie de développer ce quelque chose à l’intérieur qui nous permettra de traverser les tempêtes à venir sans nous retourner les uns contre les autres.

J’ai envie de regarder la mort sans peur.

J’ai envie de garder les yeux ouverts sans tomber dans le découragement. 

J’ai envie d’être pétrie d’espoir sans perdre ma lucidité. 

J’ai envie de prendre part au « réseau des tempêtes ».

J’ai envie de prendre part à la guérison du monde, que celle-ci arrive à temps, ou pas.

Bon, quand j’ai dit tout ça, je ne vous ai toujours pas envoyé mon ballon de confettis ! 

Mais quelque chose a changé. On ne perd pas quelques illusions sans réaliser que la réalité n’est qu’illusions, et que la vérité n’existe pas. 

Je regarde mes confettis, ces milliers de messages que j’aurais voulu vous souhaiter. Et en chacun d’eux je ne vois que ma propre vision du monde. Comment vous conviendrait-elle? Et comment vous les enverrais-je, moi-même j’en doute, j’échoue, je perds le nord souvent, je dois constamment revenir et refaire, avouer mes impasses, mes contradictions et mes impuissances. Je suis dépassée, comme tout le monde, par ce qu'on peut réellement faire, par notre propre incohérence, par la complexité des problèmes.

 J’ai beau souffrir pour le monde, j’ai beau déborder de désirs, je ne sais plus quoi mettre sur mes confettis.

C’est à chacun de faire sa route. De choisir ses confettis. 

Alors je vide mes confettis de leurs messages. Et je vous envoie un ballon rempli de tout ce que vous voudrez. 

Que tout ce que vous voudrez tombe en pluie de confettis joyeux sur vous, et que le plus beau dans tout ça soit le lien que cela tisse précieusement entre nous. 

Parce que, surtout, je vous aime...

 

Caroline Ruelle
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