RE2020 : le secret bien gardé

  • 01 Avril 2019
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(ATTENTION : Ces informations exclusives et surprenantes ont été diffusées le 1er avril 2019. La présence de résidus d'animaux marins dans l'article est fortement suspectée.) 

S’il y a un sujet énergétique qui occupe tout le monde en ce moment, c’est bien la future RE2020. Comme vous le savez, cette réglementation est appelée à remplacer l’actuelle RT2012. Elle devrait inclure de nouvelles notions, telle une approche de type Analyse de Cycle de Vie.

Je vous ai déjà raconté (ici) de quelle manière j’ai contribué à des groupes d’experts. Je l’avoue, je suis resté critique tant sur le processus que sur l’ambition…

Mais j’ai reçu hier une note intermédiaire qui tranche avec les autres, à un point qu’il m’a semblé nécessaire de le partager avec vous.

RE2020 : plus simple, plus claire

La note émane d’un service du Ministère, le Bureau des Intégrations Tendancielles et Environnementales. J’ai eu la chance de pouvoir échanger avec son Directeur Exécutif de l’Innovation Multibranche, Michel Bonvin, bien connu dans le milieu. La mission de ce département un peu spécial de la DHUP, donc, est d’observer les mutations conjoncturelles et contextuelles afin d’accentuer l’efficience compétitive et flexibilisant les thématiques durables.

Michel Bonvin : DE de l'IM au BITE

 

Rien de surprenant à ce qu’ils aient tenté d’intégrer une dose de design énergétique dans le processus réglementaire. Le résultat est surprenant : là où nous croulions sous les indicateurs (la Tic, le Cep, le Bbio, le DIES, etc.), le travail mené par Michel Bonvin et son équipe aboutit à un indicateur unique.

Ce coefficient, une sorte de Graal des thermiciens, permet d’étudier et de résumer tout le comportement énergétique des bâtiments en un seul indicateur. Son nom ? Il s’agit du Coefficient Utile Limite : le Cul.

Le Cul : point focal de la RE2020

Le fait d’approcher l’énergétique du bâtiment par le Cul représente un véritable pas de côté, et une extrême simplification pour tous les acteurs. Qu’un local soit en surchauffe, que les besoins de chauffage soient trop important ou que l’interaction avec les usagers pose problème, cela se verra dans le Cul. Et il faudra, selon les cas, ajuster le projet pour que le Cul soit acceptable.

Michel Bonvin m’a confié qu’ils avaient pensé un moment proposer un deuxième indicateur pour la RE2020, à savoir la Température Explicite Totale Extrapolée (TETE). Mais cela introduisait trop de complexité : dans certain cas, on se retrouvait avec le Cul par dessus la TETE, on n’y comprenait plus rien.

Un moment, ils avaient aussi pensé à intégrer directement cette Température dans le Coefficient Unique, mais là aussi, cela impliquait une plus grande complexité. Et chacun sait comme la qualité première des réglementations françaises à toujours été la sim-pli-ci-té. D’où l’enthousiasme de Michel Bonvin : « Franchement depuis qu’on a décidé de sortir la TETE du Cul, on y voit beaucoup plus clair ». Comme on le comprend !

Cul : mode d'emploi

Vous pensiez que l’expérimentation E+C- préfigurait d’une complexité accrue dans le processus réglementaire ? Soyez rassuré.e. Il n’en sera rien.

J’ai pu tester en avant-première le moteur de calcul et le site de génération des attestations basés sur cette nouvelle méthodologie. C’est très simple.

Il suffit de documenter le projet par tout ce dont on dispose : plans, photos, vidéos (et oui !), dessins. A l’ère de la maquette numérique, c’est logique. Un pré-processeur rend toutes ces informations compatibles avec le moteur de calcul. Ainsi, le fichier « plan_APD_R+3 » devient le « plan_cul_APD_R+3 ». Tous ces fichiers utiles sont alors injectés dans le calCULateur (le nouveau nom du moteur…). Tout va très vite. En caricaturant à peine, le slogan de la RT2020 pourrait être « Avec le BIM, dans le Cul ».

(C’est bien sûr le CSTB, qui en connait un rayon en matière de Cul, qui a la charge du développement du calCULateur)

Tout cela est digéré, mouliné, calculé, et le résultat est comparé au Cul de référence. Dès lors, deux cas :

  • soit le Cul est plus gros que le Cul de référence. Ce n’est pas acceptable, le Ministère a été très clair : « En matière de Cul, on ne laissera rien passer ». Il faudra donc se débrouiller pour que le Cul diminue. Le concepteur est entièrement libre de travailler la question par l’angle « usage », « systèmes » ou « enveloppe ». En somme, qu'on préfère les techniques actives ou passives, le plus important, c'est de respecter le Cul.
  • soit le Cul est plus petit que le Cul de référence. Alors tout est en ordre, le maître d’ouvrage peut construire, et pourra même afficher fièrement le résultat de l’évaluation de son Cul sur un panneau, dans le bâtiment.

Le Cul : 60 ans de travail

Pour les gens comme moi qui naviguent dans les milieux de l’énergie depuis plusieurs années, c’est un grand soulagement. Car clairement, le sujet n’est pas nouveau. Depuis longtemps, les thermiciens cherchaient une voie vers la simplicité. On ne parlait pas encore du Cul, mais tout le monde y pensait.

Et au Ministère, à la DHUP, ce n’étaient pas les derniers ! Certains se souviennent encore qu’on a un moment parlé d’utiliser deux équations, dites les « Formules en Système Stratégique Exponentiel », développées par Helmut Recknagel en 1956. C’était prometteur et élégant, mais compliqué à manipuler au quotidien… très franchement, entre les FESSE et le Cul, on a largement gagné en efficacité ce qu’on a perdu en raffinement.

Processus de diffusion du Cul (source : Incub' et Bâtiment Energie-Carbone)

L’avantage avec le Cul, c’est que tout le monde voit de quoi on parle. Préparez-vous donc dès 2020 à renoncer des formulation alambiquées du genre « Ce bâtiment a un Cep de RT2012-23%, mais un Bbio un peu limite sur l’éclairage naturel ». Il vous suffira de dire « Ce bâtiment a un bon Cul », et tout le monde comprendra.

Le Cul : pour ou contre ?

Clairement, une telle simplification ne fait pas plaisir à tout le monde. Les services des DIRRECTE sont mobilisés, et ont déjà observé l'apparition de nombreux faux Cul(s) visant apparement à semer la confusion.

Pour moi qui râle souvent a propos des processus réglementaires, je dois avouer que Michel Bonvin et son équipe m’ont bluffé. Si c’est bien cette approche qui voit le jour (et franchement… pourquoi en choisir une autre ?), j’y verrai un très beau pas en avant vers un avenir énergétique radieux. Enfin, les acteurs du bâtiment, architectes comme ingénieurs ou maîtres d’ouvrage auront un objet commun sur lequel débattre et s’appuyer. Je me réjouis d’avance de ces débats constructifs, lors des conceptions, sur la meilleure manière d’optimiser le Cul du projet…

Dans de telles conditions, je dis « vivement 2020 ». Merci Michel Bonvin et la DHUP. Et vive le Cul.