
Témoignage de ma rencontre avec le Design Énergétique
Récemment, lors d'une présentation "officielle" du Design Énergétique auprès d'une organisation syndicale, on m'a posé la question suivante : "Mais quel peut être l'intérêt pour un.e architecte d'apprendre le Design Énergétique ?". C'était un peu délicat pour moi de répondre, n'étant pas du métier...
Ce sera beaucoup plus facile désormais, car cet article est tout à fait spécial : il s'agit du témoignage d'une architecte. D'une certaine manière, c'est un "article invité", car c'est le texte direct de Viriginie Cherpin que nous publions.
Je pense que l'intérêt d'un tel témoignage, c'est de montrer de quelle manière le Design Énergétique peut s'intégrer dans une pratique qui ne se résume pas au Design Énergétique.
Si aujourd'hui nos formations accueilllent de nombreux métiers différents, c'est justement pour cela : le Design Énergétique peut "nourrir" de nombreuses pratiques, voire les vivifier.
Merci infiniment à Virginie de son engagement et de sa sincérité dans son témoignage.
Comment tout a commencé
Je me remémore mes premières démarches, lorsque j’ai commandé le « fameux » livre du « Design Énergétique » de Pascal Lenormand. Je ne savais pas à quoi m’attendre…
Ce livre va-t-il être technique ? Trop technique ? Va-t-il m’apporter un plus sur la manière d’aborder le sujet du chauffage et de l’énergie en général ?
Je dois le dire, ce qui me bloque et « m’agace » si souvent, c'est cette « foutue » question :
"QU’EST-CE TU CONSEILLES EN CHAUFFAGE ?"
Mes clients me la posent, mais aussi des personnes rencontrées en dehors du contexte professionnel.
La question en elle-même me dérange. J’ai l’impression que mon interlocuteur lit instantanément sur mon visage les réflexions de mon cerveau. Que vais-je bien pouvoir répondre ? Par quel bout prendre la question ?
Voilà pourquoi je mise beaucoup sur ce livre. Surtout, je cherche depuis plusieurs années un discours sur la thermique qui fasse écho à mes réflexions et à ma façon de voir les choses.
Souvent en échange avec des bureaux d’études thermiques compétents, je me heurtais à des discours trop réglementés, trop techniques et finissais par me dire que j'étais probablement trop utopiste, trop rêveuse...
Une fois le livre en main...
Première pensée, une fois le livre en main : c'est Dominique Gauzin-Müller qui rédige la préface. Je me sens rassurée : voilà une architecte connue et reconnue pour mettre en avant l’écologie, la transition énergétique et la frugalité.
Il y a de l'espoir !
Je poursuis ma lecture... la manière d’aborder le sujet m’apparaît simple et fluide… Voilà que j’avance facilement dans la lecture, que les explications sont claires.Le côté technique est plutôt facile « à digérer ».
Enfin une vision des choses qui fait écho à la mienne ! Moi qui cherche depuis plusieurs années, une manière d’exercer tout en respectant et acceptant mes valeurs, je crois que je tiens enfin quelque-chose.
Au-delà du livre, je poursuis ma réflexion et mes recherches...
Je poursuis la lecture des articles de l'auteur sur son blog, www.incub.net. Et un jour, suite à l'une des propositions que je reçois par mail, je finis par « cliquer » sur "Réserver un RDV stratégique".
C'est dans cet échange téléphonique avec Pascal que me vient la réflexion : j’ai trouvé ce que je cherchais ! ! !
Un an plus tard
Cela fait maintenant plus d’un an que j’ai lu le livre.
Depuis, j'ai suivi plusieurs formations avec Incub' et Pascal. La dernière en date : « Vivre l’énergie ». Un titre sacrément approprié pour cette expérience immersive !!
Ce cheminement m’a transformée, avec autant de profondeur que de cohérence avec mes valeurs, que ce soit dans ma manière d’aborder un client, d'organiser mon discours, mais aussi de concevoir mes bâtiments.
Si je devais mettre un mot sur l’un des plus gros changements, ce serait : le RESSENTI !
La place du ressenti
Pourquoi le ressenti ? Parce-que j’apprends petit à petit à apporter plus d’attention à ce que je ressens physiquement et instinctivement, que ce soit :
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au moment du premier contact avec un client,
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dans le choix de mes cotraitants (bureau d’études en particulier) ou des artisans,
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lors de la réalisation d’un relevé de bâtiment,
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mais également dans ma vie privée.
Ce RESSENTI, j’essaie également de le cultiver chez mon client en l’amenant, lors de nos échanges, à me décrire comment il vit, ses habitudes, ses besoins, ce à quoi il « aspire » … Je l'amène à me raconter ce qu’il aimerait ressentir dans le lieu ou l’espace qu'il me demande d’aménager...
Cela me permet de mieux comprendre sa manière d’habiter, d’occuper un lieu et facilite mon travail de conception pour personnaliser le projet et le faire correspondre à l’usager et à l’usage.
En travaillant ainsi, j’attire petit à petit une nouvelle clientèle : plus à l’écoute, en attente de véritables conseils et de résolution de son ou de ses problèmes.
Mais avant d'en dire davantage, voici comment j’exerçais mon métier d’architecte... avant.
Ma vie d'avant...
Des clients comme je n'en veux plus
Souvent ma clientèle venait par connaissance, par le bouche à oreille…Je répondais aussi occasionnellement à quelques petits appels d’offres publics, un travail très chronophage.
On venait également me voir comme on aurait pu aller voir n’importe quel(le) architecte, pour « décoincer une situation ».
On me disait typiquement : « en fait, je pensais que je n’avais pas besoin d’architecte, j’ai dessiné mon projet mais la mairie m’a dit qu’il me fallait un architecte car mon projet dépasse les 150m2 ! ! ! … ».
Je l’ai entendue plus d’une fois celle-ci (et je ne suis pas la seule ! ! !).
Dans ce genre de situation, « les bras m’en tombaient ». Mais bon, c’était du travail et comme on dit, il faut bien manger. Alors je me retrouvais à enchaîner ce genre de projets pour des clients peu motivés. J'étais comme tout le monde... je me plaignais un peu, mais me résignais : « c’est le métier qui veut ça ».
Bien sûr, il y a eu d’autres projets plus importants, mais je ressentais tout de même plus souvent de la frustration que de la satisfaction. Bien souvent, il fallait faire des prouesses pour tenir dans un budget travaux hyper bas avec des honoraires réduits au maximum. Pas très motivant, mais aussi nerveusement épuisant.
Malgré tout, mes clients ou même mes co-traitants me faisaient de bons retours sur mon travail.
Vouloir faire autrement...
J’avais aussi l’impression de « rabâcher » un discours conventionnel.
Je réexpliquais inlassablement ce qu’est le rôle de l’architecte, ces « foutues » phases Esquisse (ESQ), avant-projets (APS / APD), dossier de consultation (DCE), suivi des travaux (DET), etc…
J’en suis arrivée à écrire tout cela dans mes contrats en me disant que cela m'éviterait de l’expliquer oralement, mais je me rendais bien compte que mes clients ne l’intégraient pas du tout.
Je ressentais une forme d’épuisement, de déception et je cherchais un moyen de faire autrement... Mais mes études m'ont formée pour entrer dans des cases. Et puis le milieu, les expériences, les autres architectes m'ont toujours amenée à me dire qu'il est difficile d’exercer différemment…
Je me sentais vraiment dans la désillusion la plus totale, au point de me demander si je ne m’étais pas trompée de voie…
J'ai même fait un bilan de compétence pour vérifier si finalement, j’avais fait le bon choix en devenant architecte...
Je me souviendrai longtemps de la conclusion de mon accompagnatrice : « Virginie, la bonne nouvelle, c'est que vous ne vous êtes pas trompé de voie. Mais il faut absolument que vous acceptiez de pratiquer votre profession différemment et d'aller dans le sens de vos valeurs ».
Ok, me voilà rassurée, je suis à ma place.
Mais c'est bien joli de dire "il faut pratiquer différemment".... Je fais comment, moi ?
Alors, je continue à chercher, chercher… tout en poursuivant mon travail d’architecte éreintant au quotidien.
Il a fallu 4 ans pour que je « rencontre » le Design Énergétique. Enfin une synchronicité !
Les premiers pas concrets
La page Facebook
J'avais besoin d'engager des changements concrets, pour mettre en pratique, même de manière imparfaite...
J’ai donc commencé par créer une page Facebook qui me permette de communiquer sur les sujets qui me tiennent à cœur ou sur les formations et/ou conférences que je suis, etc…,
Cela permet à mes potentiels clients de mieux me connaître, de manière plus globale ; cela me permet aussi de créer des relations avec d’autres professionnels ou non professionnels, des gens qui œuvrent dans le même sens que le mien.
Le site internet
J’ai ensuite travaillé sur mon site internet.
Dès la création de mon activité, en 2009, j’ai régulièrement été démarchée par des créateurs de site mais rien ne me correspondait.
Je ne voyais pas du tout comment avoir un site qui soit à la fois personnel, mais surtout me permette de vraiment développer mon activité. Pas une simple publicité, mais un moyen de transmettre des informations à un prospect en quête de premières réponses.
Mais dès que la stratégie s'est éclaircie, tout s'est mis en place. J’ai trouvé un prestataire qui a su être à l’écoute de ce que je voulais, et aujourd’hui, le site est là !
La relation client
En même temps que je reprenais la main sur mes outils internet, j'ai ajusté la manière dont je dirige un éventuel futur client.
Avant, lorsqu'on m'appelait pour un projet, la première chose que je proposais était un RDV sur place. Je me déplaçais, passais du temps, répondais aux questions. À l’issue du RDV, je transmettais un devis. Ce premier rendez-vous était bien entendu gratuit, et débouchait bien souvent vers une réponse négative voire... pas de réponse du tout. C'était à la fois chronophage, peu efficace et assez déprimant.
Aujourd'hui, le premier contact se fait (la plupart du temps) par mail, et provient directement de mon site où se trouve un formulaire détaillé. Cela me permet de récupérer les premières informations.
Si le projet me semble correspondre à ce que je vise, je propose un rendez-vous téléphonique d’une trentaine de minute qui me sera utile pour en savoir un peu plus sur les intentions de mon interlocuteur. Durant cet échange et en fonction de ce que je ressens, je propose une « visite conseil » en précisant bien que celle-ci sera payante. Et si lors de cet entretien, je me rends compte que "ça ne colle pas"... je ne propose pas de suite. On en reste là.
Se faire payer pour son travail
Le fait que cette première "visite conseil" soit devenue payante a complètement changé ma vie professionnelle. Pourquoi ?
D'abord par l'engagement financier du client. Il a accepté ce premier « produit », et il attend maintenant quelque-chose de moi. De ce fait, je me sens réellement utile et je fais en sorte d’apporter le meilleur service pour ce qui est, concrètement, ma première mission pour lui.
A l'issue de ce rendez-vous, je livre au client tout ce qu'il lui faut pour qu'il n'ait pas besoin de revenir vers moi pour la suite. Il est libre... Je ne cherche pas à la vendre la suite de la prestation... et c'est probablement pour cela que, justement, il me l'achète bien souvent.
Je procède ainsi par petites étapes, chacune autonome et rémunérée, afin de construire sereinement un climat de confiance dans le travail.
Je m'attache aussi à éviter les termes techniques incompréhensible pour le client lambda, qu'on trouve bien souvent dans les propositions standards (par exemple proposées par l'Ordre des Architectes). Même si c'est un peu plus long à produire, cela contribue notoirement à la concrétisation de la mission.
Inclure mes valeurs
Il ne s'agit pas que d'organiser la vente... Ces "petits pas" me permettent aussi de rester claire et transparente sur mes valeurs, ma manière de travailler. Je peux ainsi intégrer le Design Énergétique très tôt dans mon approche, dès les premiers échanges.
Je ne suis plus "une architecte parmi d'autres", j'ai ma spécificité. Si ca colle, nous serons heureux de travailler ensemble, le client et moi. Et si ca ne colle pas... et bien il sera bien mieux avec un confrère ou une consœur.
Cela me permet d'être authentique dans mon approche énergétique et environnementale. Mes clients ne sont pas surpris lorsque je leur propose des solutions techniques différentes du tout-venant, ou une réflexion décalée. C'est pour cela qu'ils viennent me chercher, après tout...
Pour conclure
J'ai dit comme le ressenti a profondément changé ma manière de travailler. J’ajouterai que je connais aujourd'hui la sérénité car oui, je peux dire que je travaille beaucoup plus sereinement que par le passé. Je ne reviendrai pas en arrière et je choisis de poursuivre ma route d'architecte ainsi, en améliorant mes approches dans la simplicité et à mon rythme.
Suite à ces changements professionnels, je dirai que la meilleure des récompenses est de me sentir utile, de constater que j'apporte du bon à mes clients à travers des approches et des solutions simples.
Et ces derniers ne cherchent plus à négocier les honoraires que j'annonce, car ils sont dans l’attente du service que je prends soin d'expliquer avant qu’ils ne signent un contrat.
Et vous savez le meilleur ?…c'est qu’ils me remercient pour mon travail ! Et en réalité, le plus surprenant... c'est que cela puisse paraître surprenant. Est-ce que ça ne devrait pas tout simplement être la norme ?
Alors oui, aujourd'hui, je dis tout simplement MERCI au Design Énergétique ! Merci d'avoir commencé par changer ma pratique de conception, pour m'amener à changer ma pratique professionnelle, dans tous les domaines.
Merci de m'avoir permis de continuer ma vie d'architecte.
Virginie Cherpin, Créaéco
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