Quelle électricité en France pour 2035 ?

  • Pratiquer le Design Énergétique
  • 08 Mars 2021
  • 3 commentaires

Cet article avait fort peu de chances d'exister sur ce blog, et pour plusieurs raisons...

La première, c'est que les sujets énergétiques globaux liés à la production ne sont pas vraiment mon champ d'expertise. D'abord, beaucoup de gens le font beaucoup mieux que moi, et je ne suis pas passionné de ces aspects souvent très techniques, mélant la planification avec une réflexion que je trouve souvent désincarnée...

La seconde, c'est qu'il se penche tout particulièrement sur la production d'électricité. Or en France, il y a une vraie difficulté, qu'on voit très bien quand on fréquente un peu les réseaux sociaux : il y a une forte tendance à suivre l'enchainemment suivant : discussion sur l'énergie --> discussion sur l'électricité --> discussion sur le nucléaire --> tout le monde s'engueule. Ce sont probablement les échanges les moins interessants que je connaisse...

Mais cet article existe, et il y a de bonnes raisons à cela. 

La première, c'est que ce n'est pas moi qui l'ai écrit, mais Alain Ricaud, l'un de mes maîtres en la matière. Très grand connaisseur des productions solaires, et en particulier photovoltaiques depuis de longues années, Alain est pour moi un expert absolu du sujet. Il est également l'un des tout premiers à avoir appliqué une réflexion systémique et "tous services confondus" à la conception énergétique d'un bâtiment (la Maison Zen). 

La deuxième, c'est qu'Alain a rédigé une étude approfondie et très argumentée sur sa vision du mix électrique à échéance 2035. Cette étude, que vous pouvez télécharger dans son intégralité, a été peu diffusée, et je trouve que c'est dommage. L'enjeu de cet article, c'est de la faire connaître et de la mettre à disposition. 

En réalité, cet article est précisément l'introduction de cette étude. Celles et ceux qui veulent aller plus loin peuvent en parcourir les 106 pages.

La dernière question qui peut se poser, puisque nous relayons ce travail sur le blog d'Incub', est la suivante : suis-je "d'accord" avec cette étude et ses conclusions ?

Je vais être franc : je ne considère pas avoir la compétence pour discuter des hypothèses et chiffres. Ce qui m'intéresse dans la diffusion de cette étude, c'est de donner à voir le raisonnement que suit Alain, que je trouve passionnant. A-t-il "raison" ? Quand bien même cette question serait pertinente (ce dont je doute...), je n'en sais rien. Il argumente de manière très détaillée et documentée, son expérience est gigantesque, sa compétence reconnue... et il ouvre une discussion. 

Mon seul souhait, c'est que la découvert de ce document vous donne, comme il l'a fait pour moi, du grain à moudre.

Je laisse la parole à Alain Ricaud...

 

Quelle électricité en France pour 2035 ? Une étude prospective Alain RICAUD - Introduction

 

//Actualisation janvier 2023//

La seconde édition de cet ouvrage, parue trois ans après la première, vient hélas confirmer cette inquiétude. Elle paraît en effet au moment où la France subit une crise sans précédent dans sa production d’électricité, crise accentuée par l’explosion du prix du gaz, conséquence de la guerre engagée par les russes en Ukraine.

L'utilisation massive des énergies fossiles et fissiles, même si elle a envahi tout le champ de l’activité des hommes d’aujourd’hui, reste un épiphénomène à l'échelle de l'histoire humaine ; elle apparaît à travers deux petits pics, l'un au cours du XIXe siècle avec le charbon et la découverte des machines à vapeur, l'autre au XXe siècle avec le pétrole pour les moteurs, le gaz pour le chauffage le charbon et le nucléaire pour l’électricité. Par leur faible coût, leur grande disponibilité, et la poussée démographie qui les accompagne, elles auront été la cause de la modification profonde de l’empreinte des humains sur la planète en une période très courte de 150 ans 1. L’argument des limites de leur disponibilité dans le temps (le fameux Pic de Hubert 2) ayant trouvé quelque accommodement avec la découverte des sources non-conventionnelles 3, c’est la révélation concrète des méfaits redoutables sur le climat de l’usage des fossiles carbonées qui vient sonner la fin de la partie.

Pendant cette courte période, les techniques employées pour transformer l’énergie thermique en énergie plus noble (mécanique ou électrique), ont utilisé le principe archaïque du piston-bielle-manivelle (machine à vapeur ou moteur à explosion) ou plus récemment la turbine. Or, avec l’avènement de la production directe d’électricité (solaire photovoltaïque, éolien, hydraulien) initiée dès les années 80, ce début de XXIème siècle connaît une véritable révolution technique et sociétale sous-estimée par nos décideurs : l’électricité va devenir le principal vecteur des énergies que nous consommons et elle ne sera plus issue du feu, mais du soleil.

Pour se placer dans le contexte du gaspillage énergétique actuel, nous commençons par un rapide survol des productions et desconsommations d’énergie en France par source et par application, avec une insistance particulière sur leurs rendements d’utilisation, mentionnant chaque fois leurs taux d’émissions de GES (gaz à effet de serre). Nous regardons ensuite comment s’est déroulée la transition énergétique depuis 2001 sous les incitations des directives de l’Union Européenne et l’avalanche des lois nationales d’orientation, décrets,
arrêtés et autres circulaires, souvent obsolètes avant même d’entrer en
vigueur...

La part de l’électricité comme vecteur d’énergie ne cessant d’augmenter partout dans le monde et plus particulièrement en France, c’est ce secteur qui fait l’objet principal de ce document. Même si chez nous, sa production n’est que très peu émettrice de gaz à effet de serre (GES), ce n’est pas le cas dans le reste du monde. Notre propos est de réfléchir à la façon de la consommer avec sobriété et de la produire tant en termes de durabilité, de sécurité que d’efficacité. Mais il faut que cela advienne bien avant que nous ayons épuisé toutes nos ressources fossiles dont le taux d’extraction prohibitif 4 est la cause principale de la saturation des capacités d’absorption des GES par la biosphère.

Après 20 années perdues en procrastination, notre gouvernement réfléchit enfin à la stratégie énergétique du pays qu’il n’aurait jamais dû abandonner : elle va du prolongement de notre parc nucléaire vieillissant (EDF), à son renouvellement (JM Jancovici), et à l’utilisation systématique des énergies renouvelables pour la
production d’électricité (négaWatt).

Mais les sources auxquelles on pense en premier – éolien, solaire photovoltaïque et hydraulique – ont le défaut majeur d’être variables, du moins pour la première, la seconde étant aussi variable mais plus prévisible, et la troisième nécessitant des aménagements nouveaux non programmés. Avec un parc probable de 20 GW d’éolien et de 10 GW de PV à fin 2020, la France pouvait produire 54 TWh d’électricité nouvelle renouvelable – plus que la production des centrales thermiques de pointe, et proche de la production de la grande-hydraulique, soit 11 % de notre consommation d’électricité. L’absorption par le réseau de leur variabilité est encore possible à ce stade, mais ne disposant que d’un parc de 5 GWc de stockage gravitaire par STEP 5, dans l’hypothèse où il faut environ 1 GWc de stockage pour 10 GWc de sources variables, se pose sur ce point la nécessaire extension de ce parc à une capacité de 15 GWc dans les Alpes et dans les Pyrénées dans un délai de 15 ans.

En complément des centrales nucléaires qui assurent « la base », les sources dites « de pointe » sont utilisées pour faire face aux pics de consommation (voir les diagrammes en temps réel sur le site de RTE). Ce sont pour la « mi-base » les barrages hydroélectriques et pour « les pointes » les centrales thermiques (à gaz principalement), et les STEP (lacs à 2 niveaux), rapides au démarrage, donc très réactives en cas de besoin, et sans surprise, le solaire pour la pointe quotidienne de 13h.
À partir de 2005, la production thermique s’est sensiblement réduite pour n’être plus alimentée que par du gaz en 2020. La production hydroélectrique quant à elle, a peu varié depuis 1973 (60 TWh). Jusqu’à présent la hausse française de la demande en électricité a principalement été dictée par un nucléaire surabondant (de 1990 à 2005), mais depuis 15 ans en constante décroissance notamment pour des raisons de sécurité et de maintenance. Le déploiement accéléré des ENR (depuis 2005 en forte croissance) qui n’ont malheureusement pas le privilège d’être « pilotables », étant néanmoins inéluctable, il nous faut trouver des moyens de délestage, de gestion des réseaux et de stockage efficace et non carboné.

Connaissant la durée de vie théorique de nos centrales nucléaires, leurs fragilités spécifiques, les coûts de leur mise à niveau ou du prolongement de leur durée de vie, on tâche d’évaluer pour la France, à travers trois scenarii contrastés, vers quel bouquet de production électrique il est encore possible de s’orienter pour 2035. Dans ce but, nous montrons les effets considérables que pourraient avoir la sobriété et l’efficacité si elles étaient considérées comme prioritaires par l’Etat et les collectivités. Puis, nous analysons la situation du parc nucléaire français et son évolution éventuelle ; nous dévoilons les percées du solaire photovoltaïque et de l’éolien, les avantages du délestage et des réseaux intelligents, ainsi que les potentiels du stockage de l’électricité par voie gravitaire et électrochimique. En fonction des avantages et des nuisances des techniques retenues, des capacités nouvelles à installer, des investissements requis, des coûts de production et délais prévisionnels, on esquisse la structure du bouquet qui pourrait constituer la production optimale d’électricité en France entre 2020 et 2035.

À la différence du choix du « Manifeste négaWatt »6, et de l’excellente étude faite par RTE7, nous avons délibérément pris le parti de ne pas nous projeter en 2050, cette échéance nous paraissant trop lointaine par rapport à des décisions de politique industrielle qui doivent être prises dans l’urgence. Une perspective à 15 ans (3 mandats présidentiels) rend impératifs les choix à faire, et perceptibles, à portée de main, leurs conséquences immédiates avec le personnel dirigeant en place. Les trois scenarii évoqués dans ce document montrent que nous aurons atteint en 2035 les limites de la contribution des renouvelables éoliennes et solaires associées à du stockage par STEP. Au-delà, d’autres techniques de stockage ou d’énergie embarquée
devenues matures devront prendre le relais. Mais entre l’utilisation industrielle et banalisée de l’Hydrogène, la circulation du biogaz dans les réseaux d’ENGIE ou la généralisation de la méthanation, on ne peut pas dire aujourd’hui quelle technique s’imposera sachant en outre que de nouvelles générations seront aux manettes.

Il faudra surtout faire le point sur les effets des attitudes de sobriété et les soucis d’efficacité qui, s’ils sont vraiment pris au sérieux, devraient avoir permis une réduction des consommations globales de l’ordre de 45 % (- 4 %/an) et électriques de 32 % (- 2,5 %/an) en 2035. Politiques radicalement nouvelles de « sobriété heureuse » qui pourraient se déployer plus avant dans une perspective de changement à 180° du cap dans lequel nous sommes engagés depuis 150 ans.

Cap où la nature n’est plus mystère à vénérer comme chez les Anciens, mais énigmes à décoder, systèmes à modéliser, artefacts à concevoir, ressources minières à extraire, produits à fabriquer, à user, à détruire et puis jeter sans état d’âme. Le tout pour un confort individuel et matériel qui devient de plus en plus problématique et freine l’épanouissement de nos vies collectives, artistiques et spirituelles.

Bien conscients d’être entrés dans l’anthropocène de par notre responsabilité, il est grand temps pour nous de sortir de la toute-puissance issue des énergies fossiles et de trouver une sagesse à la mesure de l’extension de nos capacités physiques.

L’exercice auquel nous nous livrons n’est donc pas seulement une nième étude prospective qui projette dans le futur des éléments connus de notre génération, mais l’amorce d’un changement de paradigme qui aurait dû se manifester depuis plus de vingt ans et qui, à défaut d’être élaboré dans l’apaisement issu d’une plus grande sagesse, risque de se faire dans la douleur et la précipitation.

//Fin actualisation//

 

L'utilisation massive des énergies fossiles et fissiles, même si elle a envahi tout le champ de l’activité des hommes d’aujourd’hui, reste un épiphénomène à l'échelle de l'histoire humaine ; elle apparaît à travers deux petits pics, l'un au cours du XIXe siècle avec le charbon et la découverte des machines à vapeur, l'autre au XXe siècle avec le pétrole pour les moteurs, le gaz pour le chauffage le charbon et le nucléaire pour l’électricité.

Par leur faible coût, leur grande disponibilité, et la poussée démographie qui les accompagne, elles auront été la cause de la modification profonde de l’empreinte des humains sur la planète en une période très courte de 150 ans1 .

L’argument des limites de leur disponibilité dans le temps (le fameux Pic de Hubert2) ayant trouvé quelque accommodement avec la découverte des sources non-conventionnelles3 , c’est la révélation concrète des méfaits redoutables sur le climat de l’usage des fossiles carbonées qui vient sonner la fin de la partie.

Pendant cette courte période, les techniques employées pour transformer l’énergie thermique en énergie plus noble (mécanique ou électrique), ont utilisé le vieux principe du piston-bielle-manivelle (machine à vapeur ou moteur à explosion) ou la turbine.

Avec l’avènement de la production directe d’électricité (solaire, éolien, hydraulien) initiée dès les années 80, ce début de XXIème siècle connaît une véritable révolution technique et sociétale sous-estimée par nos décideurs.

Pour se placer dans le contexte du gaspillage énergétique actuel, nous commençons par un rapide survol des productions et des consommations d’énergie en France par source et par application, avec une insistance particulière sur leurs rendements d’utilisation, mentionnant chaque fois leurs taux d’émissions de GES (gaz à effet de serre).

Nous regardons ensuite comment s’est déroulée la transition énergétique depuis 2001 sous les incitations des directives de l’Union Européenne et l’avalanche des lois nationales d’orientation, décrets, arrêtés et autres circulaires, souvent obsolètes avant même d’entrer en vigueur…

 

La part de l’électricité comme vecteur d’énergie ne cessant d’augmenter partout dans le monde et plus particulièrement en France, c’est ce secteur qui fait l’objet principal de ce document. Même si chez nous, sa production n’est que très peu émettrice de gaz à effet de serre (GES), ce n’est pas le cas dans le reste du monde. Notre propos est de réfléchir à la façon de la consommer avec sobriété et de la produire tant en termes de durabilité, de sécurité que d’efficacité.

Mais il faut qu’elle advienne bien avant que nous ayons épuisé toutes nos ressources fossiles dont le taux d’extraction prohibitif4  est la cause principale de la saturation des capacités d’absorption des GES par la biosphère.

Après 20 années perdues en procrastination, notre gouvernement réfléchit enfin à la stratégie énergétique du pays qu’il n’aurait jamais dû abandonner : elle va du prolongement de notre parc nucléaire vieillissant (EDF), à son renouvellement (JM Jancovici), et à l’utilisation systématique des énergies renouvelables pour la production d’électricité (négaWatt).

Mais les sources auxquelles on pense en premier – éolien, solaire photovoltaïque et hydraulique – ont le défaut majeur d’être variables, du moins pour la première, la seconde étant aussi variable mais plus prévisible, et la troisième nécessitant des aménagements nouveaux non programmés. Avec un parc probable de 20 GW d’éolien et de 10 GW de PV à fin 2020, la France pourrait produire 54 TWh d’électricité nouvelle renouvelable dès l’an prochain – plus que la production actuelle des centrales thermiques de pointe, et proche de la production de la grande hydraulique, soit 11 % de notre consommation d’électricité.

L’absorption par le réseau de leur variabilité est encore possible à ce stade, mais ne disposant que d’un parc de 5 GWc de stockage gravitaire par STEP5 , dans l’hypothèse où il faut environ 1 GWc de stockage pour 10 GWc de sources variables, se pose sur ce point la nécessaire extension de ce parc à une capacité de 15 GWc dans les Alpes et dans les Pyrénées dans un délai de 15 ans.

En complément des centrales nucléaires qui assurent « la base », les sources dites « de pointe » sont utilisées pour faire face aux pics de consommation (voir les diagrammes en temps réel sur le site de RTE).

Ce sont pour la « mi-base » les barrages hydroélectriques et pour « les pointes » les centrales thermiques (à gaz principalement), et les STEP (lacs à 2 niveaux), rapides au démarrage, donc très réactives en cas de besoin. À partir de 2005, la production thermique s’est sensiblement réduite pour n’être plus alimentée que par du gaz en 2020. La production hydroélectrique quant à elle, a peu varié depuis 1973 (60 TWh). Jusqu’à présent la hausse française de la demande en électricité a principalement été dictée par un nucléaire surabondant (de 1990 à 2005), mais depuis 15 ans en constante décroissance notamment pour des raisons de sécurité et de maintenance.

Le déploiement accéléré des ENR (depuis 2005 en forte croissance) qui n’ont malheureusement pas le privilège d’être « pilotables », étant néanmoins inéluctable, il nous faut trouver des moyens de délestage, de gestion des réseaux et de stockage efficace et non carboné.

Connaissant la durée de vie théorique de nos centrales nucléaires, leurs fragilités spécifiques, les coûts de leur mise à niveau ou du prolongement de leur durée de vie, on tâche d’évaluer pour la France, à travers trois scenarii contrastés, vers quel bouquet de production électrique il est encore possible de s’orienter pour 2035.

Dans ce but, nous montrons les effets considérables que pourraient avoir la sobriété et l’efficacité si elles étaient considérées comme prioritaires par l’Etat et les collectivités. Puis, nous analysons la situation du parc nucléaire français et son évolution éventuelle ; nous dévoilons les percées du solaire photovoltaïque et de l’éolien, les avantages du délestage et des réseaux intelligents, ainsi que les potentiels du stockage de l’électricité par voie gravitaire et électrochimique.

En fonction des avantages et des nuisances des techniques retenues, des capacités nouvelles à installer, des investissements requis, des coûts de production et délais prévisionnels, on esquisse la structure du bouquet qui pourrait constituer la production optimale d’électricité en France entre 2020 et 2035.

À la différence du choix du « Manifeste négaWatt »6 , nous avons délibérément pris le parti de ne pas nous projeter en 2050, cette échéance nous paraissant trop lointaine par rapport à des décisions de politique industrielle qui doivent être prises dans l’urgence.

Une perspective à 15 ans (3 mandats présidentiels) rend impératifs les choix à faire, et perceptibles, à portée de main, leurs conséquences immédiates avec le personnel dirigeant en place.

Les trois scenarii évoqués dans ce document montrent que nous aurons atteint en 2035 les limites de la contribution des renouvelables éoliennes et solaires associées à du stockage par STEP. Au-delà, d’autres techniques de stockage ou d’énergie embarquée devenues matures devront prendre le relais. Mais entre l’utilisation industrielle et banalisée de l’Hydrogène, la circulation du biogaz dans les réseaux d’ENGIE ou la généralisation de la méthanation, on ne peut pas dire aujourd’hui quelle technique s’imposera sachant en outre que de nouvelles générations seront aux manettes.

Il faudra surtout faire le point sur les effets des attitudes de sobriété et les soucis d’efficacité qui, s’ils sont vraiment pris au sérieux, devraient avoir permis une réduction des consommations globales de l’ordre de 45 % (-4 %/an) et électriques de 32 % (-2,5 %/an) en 2035.

Politiques radicalement nouvelles de « sobriété heureuse » qui pourraient se déployer plus avant dans une perspective de changement à 180° du cap dans lequel nous sommes engagés depuis 150 ans. Cap où la Nature n’est plus mystère à vénérer comme chez les Anciens, beauté à contempler comme chez les Romantiques, mais énigmes à décoder, systèmes à modéliser, artefacts à concevoir, ressources minières à extraire, produits à fabriquer, à user, à détruire et puis jeter sans état d’âme. Le tout pour un confort individuel et matériel qui devient de plus en plus problématique et empêche de s’épanouir nos vies collectives, artistiques et spirituelles.

Bien conscients d’être entrés dans l’anthropocène de par notre responsabilité, il est grand temps pour nous de sortir de la toute-puissance et de trouver une sagesse à la mesure de l’extension de nos capacités physiques.

L’exercice auquel nous nous livrons n’est donc pas seulement une nième étude prospective qui projette dans le futur des éléments connus de notre génération, mais l’amorce d’un changement de paradigme qui aurait dû se manifester depuis plus de vingt ans et qui, à défaut d’être élaboré dans l’apaisement issu d’une plus grande sagesse, risque de se faire dans la douleur et la précipitation.

 

Télécharger l'étude prospective
complète en cliquant ici
.

 

Ressources complémentaires : 

Voici la brève biographie "officielle" de Alain Ricaud : ingénieur SupElec et Docteur ès sciences, retraité, a travaillé 35 ans dans l’énergie solaire. D’abord comme directeur de filiales de grands groupes, puis comme PDG du Bureau d’études Cythelia fondé en 1994. Il a été Professeur Associé à l’Université de Savoie de 2000 à 2012 où il a enseigné le solaire et les changements climatiques. Il s’intéresse à l’écologie politique depuis 1973. Éditeur de « La Lettre du Solaire » de 2000 à 2014, il est aussi le concepteur et réalisateur des Maisons Z.E.N en Savoie.

 

1 Voir Claude LORIUS, Laurent CARPENTIER, Voyage dans l’Anthropocène, Arles, Actes Sud, 2011. Voir aussi le film « L’anthropocène, l’époque humaine », Canada (2018) réalisé par Jennifer Baichwal et Nicholas de Pencier.

2 En 1956, King Hubbert, géologue à la société Shell publia un article peu remarqué « Nuclear energy and the fossil fuels »: il y affirmait que la production pétrolière des USA allait croître jusqu’à 1970, puis décliner inexorablement ensuite, ce qui s’est vérifié. Le pic de Hubert se définit comme le maximum-maximorum de la production de pétrole : il est obtenu lorsqu’environ la moitié de la réserve est extraite. Le pic mondial des ressources conventionnelles est passé en 2007-2008.

3 Les réserves prouvées de pétrole sont aujourd’hui généralement estimées à 1 000 milliards de barils. Les réserves ultimes (passées, présentes et futures) récupérables, tenant compte des sources non conventionnelles sont estimées à 2 300 milliards de barils par l’USGS (United States Geological Survey). On a donc consommé 1 300 milliards de barils en 150 ans et il nous en reste pour 30 ans.

4 Sachant que la combustion d’une tonne de pétrole émet 3,45 teq CO2 de gaz à effets de serre (GES) dans l’atmosphère, et qu’un baril contient 138 kg de pétrole, le cumul des émissions de gaz à effets de serre de nature anthropique juste lié au pétrole est de 620 milliards teq CO2. Si ce pétrole avait été consommé de façon modérée et constante sur toute la période, la planète qui ne peut « absorber » que 11 milliards teq CO2 par an, aurait pu encaisser ces émissions sans perturbation majeure. Le fait inquiétant, c’est que la consommation de pétrole est désormais à 36 milliards de barils/an et qu’elle ne cesse d’augmenter. C’est 17 milliards teq CO2 que nous rejetons maintenant chaque année dans l’atmosphère, juste par la combustion du pétrole.

5 Stockage par transfert d’énergie potentielle entre deux lacs d’altitude différente.

6 Elaboré par 25 praticiens de l’énergie, le scenario « négaWatt » est aujourd’hui la proposition la plus novatrice et la plus élaborée pour repenser la politique énergétique de la France à l’horizon 2050.

 

Et pour retrouver les ouvrages passionnants d’Alain Ricaud,
suivez ce lien
!