Ventilation des salles de classes : la grande négligence

  • Pratiquer le Design Énergétique
  • 27 Février 2018
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Je vous ai raconté dans l’article précédent de cette série de quelle manière notre « visite d’églises » nous a finalement confrontés à des locaux que j’ai appelés « associatifs ». Un peu inattendus dans un tel contexte, ces locaux nous ont ammenés vers des pistes de travail apparemment surprenantes. En effet, les enjeux sur l’usage semblaient, en première approche, d’une priorité bien supérieure au travail sur les aspects techniques.

Nous n’étions pas au bout de nos surprises...

 

Accompagnement - visite et observations

Une paroisse, ce n’est pas que des églises (bis)

À un moment de la visite, notre guide nous annonce que nous allons devoir passer rapidement dans les prochains locaux. Il s’agit en effet de salles très souvent occupées, et c'est justement le cas ce matin. Elles sont mises à disposition d’associations  pour y accueillir des cours ou des ateliers très réguliers.

Nous descendons donc dans ces locaux semi-enterrés. Dès la couloir, la sensation est étouffante. Une chaleur lourde et humide nous étreint. Nous sommes pourtant en Janvier !

De part et d’autre du couloir, des portes donnent sur des salles de classe. L’organisation des espaces, l’utilisation des locaux, pas de doute : je classe ces locaux dans la catégorie « enseignement ».

L’impression se confirme lorsque nous entrouvrons brièvement une porte. Dans cette salle d’une vingtaine de mètres carrés, une bénévole donne un cours de français à une vingtaine d’élèves adultes. L’air était déjà lourd dans le couloir, celui de la pièce est carrément saturé d’humidité, de chaleur humaine. Je vois l’alerte « Taux de CO2 maximal » clignoter dans mon esprit. Bref : on étouffe…

Un peu plus loin, l’une des salle est inoccupée. Nous pouvons donc passer un peu de temps à étudier les systèmes mis en place, et qui devraient en assurer le fonctionnement énergétique. Nous retrouvons (bien sûr, allais-je dire), des robinets thermostatiques ouverts et des radiateurs chauds dans cette salle vide. De cela, nous avons déjà parlé dans l’article précédent.

 

Mais je m’attarde particulièrement sur le fonctionnement de la ventilation. Aucun système mécanique n'est en place. Seuls des soupiraux à commande manuelle placés en partie haute permettent, en théorie, un renouvellement de l’air. Dans la salle occupée aperçue quelques instants plus tôt, ils étaient fermés. Et si on comptait sur un  « tirage » d'air par le couloir, il n’en est probablement rien : il est aveugle à un bout, et fermé par une porte à l’autre. Concrètement, donc, fort peu de chances d'obtenir un renouvellement de l’air conséquent.

 

On étouffe là-dedans !

Pour rappel, cette courbe reprise de mesures effectuées sur des classes ventilées par ouverture des fenêtres (de vraies fenêtres) aux interclasses. Le taux de CO2 y est quasiment toujours hors des niveaux acceptables. Deux ordres de grandeur nous aiderons à mieux comprendre notre principal problème.

 

  • Sur le renouvellement d’air : en première approche, on peut considérer que les débits réglementaires dans de tels locaux devraient être de 15 m3/h/personne. Pour 15 à 20 personnes, cela nous ferait 225 à 300 m3/h. Ce sont des valeurs comparables à ce qu’on installerait dans un logement de 150 m2. Inutile de dire que la réalité est très, très inférieure à ce « minimum hygiénique ». (On trouvera ici un excellent document de synthèse des amis du bureau d'études Enertech).
  • Sur les puissances thermiques en présence : un humain assis dans une salle de classe dégage environ 100 W. Une classe de 15 à 20 personnes, c’est donc 1500 à 2000 W de chauffage « gratuit ». C’est une puissance comparable, et probablement supérieure, à celle des radiateurs de la pièce. Le manque de ventilation réduisant les déperditions par renouvellement d’air, cette puissance est très vite excessive.

Ces locaux cumulent donc deux phénomènes :

  • une surchauffe importante, due à la fois au manque de renouvellement d’air et à l’important dégagement de chaleur humaine.
  • une qualité d’air probablement catastrophique, avec des taux d’humidité et de CO2 au plafond. Pour peu qu’un des élèves ait la grippe, c’est un véritable bouillon de culture.

 

Accompagnement - les pistes de travail

Contrairement aux locaux « associatifs », ces locaux d’enseignement sont probablement fort peu coûteux en énergie. Bien sûr, la bonne pratique veut normalement que locaux vide = radiateurs fermés. Mais le problème majeur, c’est que le service fourni est catastrophique. A quoi sert d’avoir des locaux économes si c’est pour empoisonner les occupants ? La performance, c’est un ratio intéressant entre le service rendu et ce qu’il coûte.

De plus, sur le fond, je trouve dommageable que les associations oeuvrant ici à l'accueil de publics souvent en situation précaire se retrouvent dans des locaux douteux sur le plan sanitaire.

Pourrait-on résoudre ce problème en « travaillant l’usage », comme on a pu l’imaginer sur les locaux associatifs ? On pourrait par exemple imaginer installer de petits détecteurs de CO2 à LED. Les occupants seraient informés des taux de polluants trop élevés, et pourraient ouvrir les soupiraux selon les besoins. J’ai testé : cela fonctionne même avec des enfants de cinq ans.

Mais pour cela, encore faudrait-il que l’action « ouvrir les soupiraux » entraine un renouvellement efficace de l’air. J’en doute fort pour deux raisons :

  • La configuration des locaux : les soupiraux sont en partie haute de locaux non traversants. Les possibilités de balayage par de l’air neuf sont donc extrêmement réduites, et le CO2 étant plus lourd que l’air, reste « au fond ». Ce n’est pas pour rien que les sous-mariniers embarquaient des chiens bas sur pattes pour la détection des gaz dangereux.
  • Le débit à atteindre : les débits à atteindre sont tels qu’il ne peuvent probablement pas être obtenus de manière fiable par une ventilation naturelle seule. Et là aussi, il faudrait avoir une sortie d’air et une entrée d’air.

C’est pourquoi je pense que la priorité est, dans le cas de ces locaux cas, une modification technique. Une ventilation mécanique est nécessaire. Bien sûr, cela entrainera très probablement une hausse, normalement modérée, des consommations énergétiques. Pourquoi modérée ? Parce que je fais l’hypothèse que les apports humains sont déjà suffisant à la couverture des besoins de chauffage des locaux lorsqu’ils sont occupés.

 

La ventilation, le métier du ventiliste

Dans ce cas particulier, donc, ma préconisation est d’engager un travail de réflexion technique pour l’installation d’un système de ventilation. C’est le travail d’un spécialiste que de déterminer, parmi les multiples configurations possibles, celle qui conviendra. Ce même spécialiste pourra également prendre en compte qu’une rénovation plus lourde sera peut-être engagée plus tard sur le bâti. Il saura prévoir une installation adaptable.

J’insiste sur le terme « spécialiste de la ventilation » ou « ventiliste ». En France, aujourd’hui, de nombreux systèmes de ventilation sont posés par des électriciens ou des plombiers. C’est pourtant évident : ce n’est pas parce qu’on a branché un caisson et qu’il fait du bruit qu’on a réalisé une ventilation. De même, ce n’est pas parce qu'une machine fournit atteint un certain débit que le service est rendu. Combien de salles de classes ventilées sur un quart de leur surface seulement ? Seule la mesure du résultat en termes de qualité d'air dira si le renouvellement de l’air est efficace.

 

Accompagnement - conclusions préliminaire

Décidémment, cette découverte de bâtiments paroissiaux est pleine de surprises. Nous avons eu des locaux coûteux en chauffage, où les premières solutions semblaient surtout organisationnelles. Nous avons ensuite eu des locaux d’enseignements où des modifications techniques semblent urgentes. Et toujours pas d’églises, me direz-vous…

Vous avez raison. Je vous les ai gardées pour le troisième article.

 

A bientôt donc !