Confort d’été et Réglementation Thermique

  • Pratiquer le Design Énergétique
  • 06 Novembre 2018
  • 6 commentaires

 

Vous pourriez me dire que décidémment, je vous parle beaucoup de surchauffe et de confort d’été en ce moment. Et que c’est un peu étrange, étant donné que la saison de la raclette a déjà commencé. Je vous l’accorde.  Mais l’actualité réglementaire autour de l’énergie est parfois taquine.

Alors que l’hiver s’annonce,  le processus d’élaboration de la nouvelle réglementation environnementale, prévue pour 2020, bat son plein. Pour cela, les services de l’Etat font appel à des groupes d'experts. Parmi eux, le groupe d'experts n°8 va s'intéresser spécialement à la question du confort d’été. Cet article est fondé sur la contribution que j'ai apportée à ce groupe de travail.

 

 

Confort d'été et RT2012

La question du confort d'été ou de la surchauffe n’est finalement prise en compte qu’à trois endroits dans l’arrêté du 26 Octobre 2010, ce texte fondateur de la RT.

 

Confort d'été, RT2012 et Tic

D’abord sous forme d'une exigence de résultats, la Tic (Température Intérieur Conventionnelle). C’est un outil et un calcul ancien datant la RT200. Cela fait donc au moins 15 ans que cet outil existe. Dans la pratique, je le considère inefficace et inutile, pour au moins 2 raisons.

  • Il ne nous dit rien de réaliste sur le confort d’été. Il suffit d'obtenir un résultat inférieur à une valeur dite "de référence". Dans un monde où bien des acteurs cherchent avant tout à ce que « ça passe », il est très facile de « truander » ce paramètre.
  • Surtout parce que, si cette exigence avait un intérêt, on aurait observé en 15 ans d’application une maîtrise des situations de surchauffe dans les bâtiments livrés. Or il n’en est rien, et c’est même plutôt le contraire. L’expérience prouve l’inefficacité de l’exigence Tic à régler quoique ce soi.

 

Confort d'été, RT2012 et exigences de moyens

Le confort d’été apparaît à deux autres endroits, dans le fameux arrêté du 26 octobre 2010, au niveau du titre 3.

  • Le premier (article 21) porte sur la protection solaire des locaux de sommeil. Le concepteur est obligé de prévoir la protection des baies des chambres.
  • Le deuxième (article 22) porte sur la possibilité d’ouvrir les baies d’un local sur au moins 30% de leur surface, afin de pouvoir surventiler, « aérer » quand c’est possible.

 

Confort d'été et RT2012 - on se contente de gérer les défauts de conception

Nous avons donc une « obligation de résultat » inefficace, et deux obligations de moyens portant toutes deux sur des mesures correctives en situation de surchauffe. Je soutiens que ces trois objets passent à côté du sujet.

Oublions la Tic, qui pourrait être entièrement repensée. Observons plutôt que les obligations de moyens ne visent pas à maîtriser les causes de la surchauffe. Elles imposent de prévoir des mesures de correction à un défaut de conception majeur : la trop grande surface vitrée. Car s’il est nécessaire de protéger des baies, c’est avant tout qu’elles sont trop grandes pour la capacité du local à gérer les apports. Et s’il est nécessaire de sur-ventiler en ouvrant à 30% des surfaces (ce qui est très important !), c’est bien souvent parce que trop d’énergie est entrée dans le bâtiment !

Pire : l’exigence de moyens portant sur l'éclairage naturel (article 20) incite plutôt à survitrer les bâtiments. Nulle part, on ne trouve d’obligation de moyen portant sur le contrôle ou limitation de cette cause première des surchauffes : la surface vitrée.

 

Confort d'été et RE2020 - reprendre le problème à l'endroit

Confort d'été et RE2020 - limiter les surfaces vitrées

Imaginez que vous souhaitiez faire une réglementation pour éviter les débordements de baignoire. Le mode de pensée de la RT2012 vous amènerait à imposer un nombre minimum de trous de vidange. Rien sur le nombre et le débit des robinets. C'est bien sûr absurde, cela revient à vouloir traiter les symptômes sans traiter les causes.

façade ouest - RT2012

Chambéry, 2018 - façade ouest d'un bâtiment tertiaire tout juste livré.

 

Tout est réglementaire, surchauffes (ou clim) garanties pour les 40 prochaines années. Je propose donc d’intégrer une obligation de moyen portant sur la limitation des surfaces vitrées des bâtiments. Celle-ci pourrait s’exprimer de deux manières :

  • Soit par une valeur en rapport avec la surface de plancher des locaux. Par exemple, il paraît raisonnable d’interdire, sauf dérogation particulière, d’avoir plus de 50% de la surface de plancher en surface de vitrage. Et encore cette valeur est très élevée, 30% serait préférable.
  • Soit par une approche énergétique, ressemblant à l’obligation de moyen, portant sur la contribution des énergies renouvelables. On pourrait, par exemple, interdire que les apports solaires, calculés via le moteur RT, puissent atteindre une puissance supérieure à la puissance de chauffage du local selon la norme EN 12831.

 

On envisage la systématisation des enveloppes passives. Cela signifie des locaux que l'on peut chauffer, au plus froid de l’hiver, avec des puissances inférieures à 15 W/m2.

Il est stupide et irresponsable de tolérer des entrées énergétiques aléatoires (solaires ou liées à l’usage) pouvant atteindre le même ordre de grandeur (c'est courant), voire les dépasser... d'un facteur 5 à 10 !

Cela n’empêche nullement de conserver des obligations de moyen similaires aux actuelles. Mais on s'attaquerait, enfin, à l’une des causes majeures du problème.

 

Le sujet de la surchauffe vous intéresse ?
Pour savoir comment rafraîchir vos locaux / bâtiments,
téléchargez l'e-book "7°C de moins sans clim et sans travaux"