Vivre negaWatt au quotidien dès maintenant, en 11 points.

  • Vivre le Design Énergétique
  • 20 Mars 2017
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J’ai connu négaWatt il y a plus de 10 ans, et depuis, j’ai eu l’occasion de côtoyer les membres de ce réseau de (très) près. Et quelque chose m'a toujours semblé difficile : de cet imposant travail à l’échelle nationale, imaginer ma petite vie negaWatt au quotidien. C’est une chose de lire « la consommation d’énergie finale dans l’industrie sera de 342 TWh/an en 2050 ». C’en est une autre d’en imaginer la signification dans la vie de tous les jours. Par ailleurs, il y a un aspect « tous dans le même panier » qui rend difficile, parfois, de se projeter. Ainsi, si je lis « l’utilisation de l’avion (pour les longs courriers) diminue fortement de 2.72E11 km en 2017 à 1,34E10 km en 2050 »… Alors, ça veut dire quoi ?

Bref… j’ai eu envie de voir s’il y avait des manières simples de « vivre négaWatt » dès aujourd’hui. Pour dresser cette liste, je n’ai pris que des changements simples qui ne dépendent que de moi. Je laisse de côté ceux pour lesquels la société doit au préalable s’organiser. Voici donc 11 pistes d’actions simples, concrètes, parfois amusantes. Elles sont (presque) directement tirées du scénario négaWatt.

 

Des idées dans la maison

 

1. Investir dans le caleçon long

 

Combien de fois avons-nous entendu le message inchangé depuis 30 ans, du style « 1°C de moins au thermostat, c’est 7% de réduction sur la consommation de chauffage » ? Ce message a deux inconvénients majeurs :

  • il est faux dans la majorité des cas : l’économie théorique augmente avec l’isolation du logement, et peux atteindre 30% par degré !
  • il nous prend pour des machines : il ne dit que peu de choses, hormis « mettre un pull », parfois, sur notre adaptation nécessaire pour baisser de 1°C. Or pour beaucoup, « mettre un pull », c’est une grosse adaptation.

Ma vie a changé lorsque j’ai re-découvert le caleçon long pour les périodes d’hiver. Vous savez, ceux qu’on appelle « sous-vêtements techniques » dans le monde du sport. Et bien en isolant nos jambes, point faible de notre isolation en hiver, ils nous permettent d’avoir plus chaud pour une même température. Ou bien de baisser la consigne de 1 à 2°C.

Faites le calcul… 3 caleçons pour l’hiver, ça fait 100€ si vous en prenez des beaux. Et diminuez votre facture de chauffage de 15%.

Vous gérez une entreprise, un parc de bureau ? Offrez des caleçons longs floqués aux couleurs de l’entreprise à vos employés pour Noël ! Vous le récupérerez 10 fois sur le chauffage, et sur la bonne humeur. 

(je tiens à remercier la charmante infirmière d'accueil de l'Etablissement Français du Sang de Chambéry, pour m'avoir un jour expliqué la conception et l'intérêt du jupon en laine polaire). 

 

2. Installer des Leds chez vous

Ampoule LED tenue par une main sur un fond gris

Il y a quelques années, nous étions fortement encouragés à remplacer les ampoules à incandescence par des LBC, ou Lampes Basse Consommation. Ces ampoules ont changé la donne énergétique, certes. Elles ont soulevé différents débats plus ou moins pertinents et fondés (sur le mercure, sur les rayonnements, le recyclage, etc.). Néanmoins, du point de vue de l’utilisation, elles présentaient un inconvénient important : le temps de chauffe.

Et bien ce problème est résolu avec l’évolution rapide des LED ! A allumage instantané, ces « ampoules » de 5, 10 ou 12 W, sont adaptées à presque tous les usages de la maison. Une précaution importante : choisir une température de couleur de 2700 K, tirant vers le jaune. Car au-delà, dans la zone des 4000K, tout le monde est blafard !

On trouve aujourd’hui des LED à prix très raisonnable, en particulier sur internet. Et profitez-en pour offrir vos LBC aux voisins qui ont encore des incandescentes !

 

3. Utiliser la surface que je possède

Graphique du nombre de personne par ménage en France, de 1962, où le nombre moyen était de  3,1, à 2016, ou ce nombre était de 2,2 personne par ménage

Evolution historique du nombre de personnes par ménage en France - source : www.observationsociete.fr

 

Un des déterminants majeurs de la consommation énergétique est la surface de bâtiment construite par habitant. Or, à la fois du fait de l’augmentation de la population et d’une décohabitation régulière, il y a de plus en plus de bâtiments peu occupés en France.

Le scénario négaWatt se base sur une surface moyenne de 42 m2/personne en 2050. Je trouve cette valeur très utile ! Elle me permet de savoir si je suis plutôt au-dessus ou plutôt en dessous. Elle m’incite aussi, si je suis plutôt en excédent de surface, à voir de quelle manière mieux occuper ces m².

Les moyens, aujourd’hui, ne manquent pas, et internet aide beaucoup. On peut par exemple louer une chambre de la maison maintenant désertée par les enfants. L’aspect un peu angoissant d’une location à l’année peut s’atténuer par de la location passagère, en utilisant une plateforme comme AirBnB ou équivalent.  Et pourquoi pas proposer à un entrepreneur de louer un bureau ou le rez-de-chaussée en entier ?

L’imagination est la seule limite, une fois qu’on a compris toute l’importance de cette densité d’occupation, en surface et/ou en temps.

 

Image d'un homme réflechissant avec un tête en ampoule4. Changer de fournisseur d'électricité

Le scénario négaWatt prévoit une sortie du nucléaire progressive, avec la fermeture du dernier réacteur en 2035. Ça, c’est un scénario pour la France.

Mais ce qui est encore plus important, c’est que chacun, dès aujourd’hui, peut faire le choix de sa fourniture d’électricité ou de gaz. Il n’y a pas encore, à ma connaissance, d’offre renouvelable sur le gaz, mais sur l’électricité, si !

Vous pouvez conserver le même fournisseur et demander une offre 100% renouvelable (comme envisagé par nW !. Vous pouvez aussi changer de fournisseur pour en choisir un qui correspond à vos valeurs. Pour ma part, je trouve l’offre d’Enercoop particulièrement cohérente.

C’est plus cher qu’ailleurs ? Ça tombe bien : ce dont nous parlons dans cet article vous permettra de diminuer la consommation, pour une facture équivalente au final.

Avantage par rapport aux autres pistes de cette liste : vous prenez la décision une seule fois, puis c'est vraiment negaWatt au quotidien !

 

 

 5. Laver le linge à basse température

Du point de vue énergétique, un lave-linge, c’est le regroupement d’un moteur et d’une chaudière. Le moteur sert à faire tourner le tambour, une résistance électrique fait chauffer l’eau. Le parc a bien évolué ces dernières années, en bien (amélioration des performances des moteurs, en particulier) comme en mal (augmentation générale de la taille). Soyons réalistes : on ne change pas son lave-linge tous les jours.

Mais il y a un facteur important, qu’on peut maîtriser « facilement » au quotidien : la température du cycle. Le progrès des lessives a été tel qu’il est rare qu’un lavage à 60° soit aujourd’hui nécessaire. L’immense majorité de l’entretien courant peut facilement se faire à 40°C.

Vous avez vu, j’ai mis des guillemets à l'adverbe « facilement ». C’est que sur la lessive, on touche à l’intime, aux habitudes transmises (excusez le cliché…) de mères en filles (ou en fils). Et il n’y a souvent rien de plus dur à changer, à part peut-être les habitudes de cuisine.

 

6. Ajuster le séchage (tr/min) à la saison

Le séchage du linge est un truc compliqué, envahissant, qui consomme de l’énergie et qui met de l’humidité dans les logements. Oui, cela consomme de l’énergie : en hiver, c’est le chauffage qui sèche le linge pendu dans le séjour. Et en France, il est vraiment très rare que les logements soient prévus pour gérer ça facilement.

Néanmoins, on peut assez facilement optimiser le processus. C’est finalement assez simple. Bien sûr, si on peut faire sécher dehors (énergie solaire ET éolienne !), c’est le premier choix. Quand ce n’est pas possible, on peut ajuster l’essorage, avec ces deux principes simples

  • Lorsque le chauffage est coupé, et si vous ne faites pas sécher au sèche-linge, privilégiez la vitesse d’essorage minimale.
  • Lorsque le chauffage est allumé, ou que vous allez utiliser le sèche-linge, choisissez la vitesse maximale.

Et bien sûr, si vous le pouvez… partagez les machines ! Des sites comme La Machine du Voisin permettent d’optimiser l’usage du matériel, un autre point important du scénario négaWatt.

Vous concevez des bâtiments d’habitation collective ? S’il vous plait, pensez à la laverie partagée et au local de séchage, comme nos amis suisses, allemands, américains, etc.

 

Des idées dans les déplacements

7. Pratiquer l'auto-limitation de vitesse

 Après la maison, la voiture… C’est amusant, parce qu’il n’y a AUCUN autre paramètre dans tout le scénario négaWatt qui soit aussi facile à ajuster tout seul, tout de suite.

Alors voilà, c’est tout simple. Vous voulez vivre dès maintenant dans un monde négaWatt ? Modifiez les limitations de vitesse : 110 km/h sur autoroute, et 80 km/h sur nationale.

Facile, non ? Si ça vous semble difficile, dites-vous qu’en Norvège, c’est à 100 km/h sur les autoroutes. Nos voisins suisses, eux, sont déjà à 80 km/h sur Nationale.

Panneau de limitation de vitesse à 110km/h

 

8. Remplir au mieux ma voiture (ou même la substituer)

Voiture deux chevaux remplie d'adolescents

Une voiture, c’est comme un lave-linge, mais sans l’eau chaude : il y a un moteur. Et quitte à faire fonctionner ce moteur, autant le faire pour un maximum de service.

Une voiture, c’est comme une logement, mais qui se déplace : ça prend de la place. Et quitte à occuper de l’espace, autant le remplir au maximum.

Donc, si vous avez lu les points précédents, c’est pareil pour les voitures : on remplit autant qu’on peut, et on utilise quand c’est adapté. Dans le scénario négaWatt, le taux de remplissage en 2050 de la voiture est de 2,4 (contre 1,87 aujourd'hui).

C’est l’heure d’explorer les BlablaCarDrivyYescapa et compagnie… Mais c’est aussi l’occasion de re-penser tous les cas où l’on est seul dans la voiture, et de voir s’il n’y a pas une alternative. Moins de 5 km ? Le vélo, éventuellement électrique, est idéal. Certaines communes et certains employeurs en payent une partie. En communauté urbaine ? Les transports en commun sont logiques. Là encore, une partie de l'abonnement peut être prise en charge par l’employeur.

Vous dirigez une entreprise qui possède un parc de voiture ? Pourquoi ne pas s’inspirer de l’entreprise Pocheco et de son expérience d’auto-partage d’entreprise ?

 

9. Limiter ses déplacements en avion

 

Lorsqu’on participe à une présentation du scénario négaWatt, il y a des moments houleux traditionnels. L’évocation du transport aérien en est un. Bien souvent, on comprend « le transport aérien sera quasiment interdit ». Hors, pour beaucoup, le voyage aérien est loin d’être courant. De fait, la grande majorité des km parcourus en avion le sont par une minorité… ce qui n’enlève rien à leur importance !

Bref… un jour, j’ai voulu comprendre. Et donc : le scénario négaWatt propose de passer de 4170 km/pers/an en 2017 à … 1850 km/pers/an. Mais voyons voir : si je considère que j’ai, dans le monde de négaWatt 2050, « droit » à 1850 km/an… Alors tous les 3 ans, j’ai « droit » à 5550 km. C’est environ un aller-retour Paris-Moscou.

Évidemment, ça pose problème si mon employeur, auquel je suis lié par un lien de subordination, m’envoie 3 fois par an en Chine. Si c’est le cas… et bien je suis dans la petite minorité dont je disais qu’elle fait la majorité des km. En entreprise aussi, souvent, il y a matière à changer les habitudes. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

 

Des idées dans l'alimentation

 

10. Un repas sans viande / semaine

Nombreux plats avec des fruits et legumes, mais pas de viande

Le scénario négaWatt parle finalement assez peu de la transformation de nos habitudes alimentaires : il en laisse le soin à son frère, le scénario Afterres. Celui-ci parle de transition de l’agriculture.

La nourriture est un sujet chatouilleux, et pour tout vous dire, quand j’entends « nous mangerons plus de légumineuses », je m’imagine rapidement étouffé sous des montagnes de pois-chiches.

Alors au delà des chiffres, voici un changement simple : décider de transformer un repas carnivore par semaine en un repas végétarien. Ceux qui le font déjà peuvent en faire un de plus, et les viandosaures convaincus ne prennent pas grand risque. C’est le premier pas qui compte.

Et vous savez quoi ? On peut même tricher… il m’est arriver de manger du seitan avec des amis. Ils sont restés convaincu que c’était un ragoût de mouton.

 

11. 1 repas crus / semaine

La cuisson des repas est un service énergétique méconnu, pourtant un enjeu majeur au niveau mondial. Et il se trouve que c’est mon dada. Je vous parlerai en détail des expérimentations à conduire dans une cuisine. Dans le scénario négaWatt, on ne trouve que la mention d’un chiffre modulé selon les modes de cuisson : 410 Wh/repas sur plaque à induction, constants entre 2017 et 2050. Cela vous parle ? Moi, non.

Alors voilà ce que je vous propose : essayez donc un repas cru par semaine. Bon, dit comme ça, on s’imagine déjà crudivore. Mais pas du tout ! D’abord, ce n’est qu’un repas. Et ce n’est jamais qu’un premier pas, un espace où expérimenter, un nouveau jeu à se proposer. Et on reparle de l'énergie dans la cuisine très bientôt, promis !

 

Conclusion

 

Ma liste paraîtra bien modeste à beaucoup, utopiques pour d’autres. Je peux vous assurer pourtant que sous des dehors simplistes, elle cache des transformations majeures. Méfions-nous : les changements à conduire « seul maître à bord » ne sont pas les plus faciles, loin de là ! Trouvons prétexte à expérimenter, surtout, et à s’amuser, parfois. Je trouve que l’expérience par soi-même a le grand avantage de nous donner un tout autre regard sur ce qu’est une « transition ». Et je suis souvent surpris de ne pas trouver les difficultés là où je les attendais.

Je serais heureux de lire votre expériences, vos propositions et vos postes. Les commentaires sont là pour ça. Et qui sait, peut-être aurons-nous bientôt une liste de 250 items !