Vivre sans chauffage

  • Pratiquer le Design Énergétique
  • 29 Septembre 2020
  • 7 commentaires

En ce qui concerne le chauffage, la question que les gens posent le plus souvent à leur ami Google est la suivante : « Quel est le meilleur chauffage ? ». 

Quant aux réponses que les sites grand public apportent à cette question, deux choses sont frappantes :

  1. On y mélange allègrement des remarques sur les systèmes de génération de chaleur et sur les émetteurs, puis on mixe encore tout ça avec des idées sur les d’énergies finales utilisées (bois, solaire, fioul ou gaz)
  2. Les véritables réponses, quand elles existent, sont de deux types :
    • soit elles orientent directement vers la solution vendue par le rédacteur de l’article, sous la forme « le chauffage par un bidulemachin combine de multiples avantages… », le « bidulemachin » pouvant être un radiateur électrique, une pompe à chaleur ou n’importe quel système ou source d’énergie commercialisable.
    • soit elles concluent que « il faut bien réfléchir à ce dont on a besoin pour faire le meilleur choix », ce qu’on aurait pu constater soi-même. 

Bref… Pour une question aussi simple en apparence, tout cela reste très flou. À mon âge, après avoir trainé dans les questions énergétiques comme Mike Horn dans les marécages d’Amazonie, ce genre de couple (question générale + réponses vagues) sent à plein nez le problème mal posé. 

Comment donc ? Ce serait un problème mal posé de se demander quel est le meilleur chauffage ? 

 

Mais oui… J’ai déjà eu l’occasion, sur ce blog, d’illustrer ce curieux phénomènes des « solutions intelligentes à un problème mal posé » dans le cas du chauffage des églises.

J'ai dû viser juste, car aujourd’hui, quand vous tapez « chauffage église » sur Google, vous arrivez… sur cet article, alors que je ne vends aucun système de chauffage d'église.

Mais le problème est plus vaste que le confort des paroissiens. 

Car en réalité, c’est la question entière du chauffage qui est mal posée. Elle est même abordée exactement à l’envers de la logique énergétique. 

Si nous voulons répondre à la question « Comment choisir le meilleur chauffage ? », il va falloir reprendre le problème à son origine. Et avant de savoir quel est le meilleur chauffage, encore faut-il bien comprendre ce qu’est un système de chauffage, et à quoi ça sert. 

Pour cela, rien de tel qu’un petit voyage dans le temps.

 

Quand le chauffage n’existait pas

 

Il n’y a pas si longtemps, le chauffage n’existait pas, et cela n’intéressait pas grand monde. Aux origines de l’habitat, quand il n’était même pas encore tout à fait un bâtiment, la chaleur se trouvait à un endroit essentiel : le foyer. 

Le foyer, c’est ce lieu très particulier où on transforme de l’énergie chimique (du bois, du charbon, de la bouse de yak, etc.) en chaleur à haute température. 

chauffage- feu

Pas vraiment encore un "chauffage"...

C’est très important de remarquer que les foyers historiques qu’on a pu retrouver servaient d’abord à ce qu’on peut appeler du « process ». Il servaient à cuire les aliments, fondre des minerais, chauffer du métal pour le forger, sécher ou fumer de la viande ou du poisson.

On peut bien sûr considérer que nos ancêtres savouraient la douce chaleur du coin d’un feu. Ils s’assemblaient à la veillée autour du foyer. 

Mais la soirée ou le « process » terminé, on couvrait les braises de cendres jusqu’au lendemain. 

Notons donc bien ceci : la chaleur n’était d’abord pas destinée au corps, mais à la cuisson et à l’artisanat. Ce qu’on appelle aujourd’hui le « service chauffage » n’existait pas. La « chaleur qui fait du bien » était surtout un sous-produit de choses plus nobles, plus nécessaires.

Tout au plus, les gens importants avaient-il, dans une pièce prestigieuse destinée à accueillir les hôtes de marque, une cheminée imposante à utiliser aux grandes occasions. Mais il s’agissait plutôt d’une chaleur « protocolaire », plus que de confort au sens où nous l’entendons maintenant. Celui qui a de l’argent pouvait brûler du bois « pour rien ».

 

La Cascade des Services

 

Ce qu’on observe en réalité, c’est le fonctionnement naturel, pendant des milliers d’années, d’une « cascade de service », une sorte d’écologie de la chaleur. 

Certes, l’homme utilise de la chaleur, mais PAS en première intention pour se chauffer. Il l’utilise d’abord dans les services à haute température. Dans l’habitat, c’est pour la cuisson. Chez les artisans, c’est dans le fournil, dans la forge. Les « pièces de vie » sont donc celles qui sont proches du fourneau.

Le « chauffage » est alors surtout une récupération de chaleur fatale. L’homme est un glaneur de chaleur. Tel le lézard, il se place là où il fait chaud quand il veut avoir chaud. Proche d’un foyer ou proche des autres…

Il procède comme on procédait pour utiliser au mieux le four banal, quelques jours par mois. Certes, on l’allumait pour cuire le pain de tout le village, et souvent, chacun amenait sa bûche pour contribuer à l’apport énergétique. 

Mais on enchaînait en réalité toute une séquence de plats pour bénéficier au maximum des différentes températures fournies par la dynamique propre au four. Au début les cuissons haute température ou à la flamme vive, puis le pain, puis les plats. Le gigot-de-sept-heures n’a pas été inventé pour le four électrique, mais pour une fin de chauffe de four de village…

On retrouve ce même comportement dans l'organisation des fermes. Les vaches produisant de la chaleur, on s'installe au dessus de l'étable pour en bénéficier.

C’est une démarche logique quand une ressource est rare : on récupère tout ce qu’on peut. « On ne jette pas » est un principe qui vaut aussi pour l’énergie. Alors on récupère… 

C’est cela, une « cascade de service ». Un enchaînement d’utilisations, les services en aval profitant des « déchets » du service amont. 

Dans le cas précis de la chaleur, un service est d’autant plus « amont » qu’il est à haute température. Et les services « aval » se positionnent en ordre décroissant de température. Hors, la chaleur que peut gérer un corps humain se situe plutôt dans les faibles températures. Disons-le clairement : le « chauffage » à basse température, c’est pas la super-star dans la hiérarchie des services énergétiques…

 

Domination du rayonnement

Voici deux autres caractéristiques apparemment évidentes de ces « modes de chauffage » qui n’en sont pas encore vraiment :

  • la production de chaleur se fait au même endroit que l’émission de chaleur
  • l’émission se fait principalement par rayonnement

Modérons tout de suite le deuxième point : il y a bien des cas où, avec de faibles quantités d’énergie à basse température, on utilise un transfert par conduction. Ce sont les innombrables chaufferettes, bouillottes, bassinoires, moines ou briques, que l’on glisse dans un lit ou un vêtement. Toujours au plus proche du corps.

Une autre exception remarquable est le Kachelofe, ce poêle de masse alsacien dont on chauffe directement des banquettes. C’est l’énorme inertie qui permet d’abaisser les températures de contact, mais on a également un mode principalement rayonnant sur le reste de l’appareil.

En dehors de ces quelques exceptions, quand on considère une pièce « chauffée » de l'ancien temps, c’est donc principalement par rayonnement que cela se passe, à partir d’un objet situé à un endroit précis dans lequel se fait la combustion à haute température. 

Si tu veux avoir chaud, tu t’approches, sinon, tu t’éloignes. Remarquez d’ailleurs que de nombreux habitats traditionnels chauffés par un foyer (yourte, tipi, igloo, hogan, etc.) sont ronds. Ils sont structurés sur l’espace thermique défini par le rayonnement. Le rayonnement est émis radialement, il ne viendrait à l’idée de personne de bâtir un habitat carré autour d'un feu...

C’est le moment de souligner un dernier point remarquable : dans ces situations, personne ne parle, jamais, de « température de consigne ». On dit « il fait bon », mais on ne dit pas « il fait 19°C ». Les ambiances sont très contrastées. Contrastées à un point que la théorie contemporaine du confort les trouverait inacceptables.

 

Inversion de logique

 

Chauffage central : le grand mystificateur

Donc, pendant des millénaires, nous nous sommes débrouillés avec nos habits et comportements pour nous blottir autour de sources principalement rayonnantes et plutôt à haute température, sources qui avaient surtout pour rôle de « faire quelque chose d'utile » - ce que j’ai appelé « un process ». 

Puis, arrive le chauffage central. 

La magie du chauffage central, c’est celle-ci : séparer l’endroit de génération de la chaleur et l’endroit de l’émission de chaleur. 

Traduction : vous pouvez maintenant distribuer la chaleur.

C’est une modification considérable. Le chauffage central nous coupe de cette relation profonde que nous avions avec le feu. La chaleur peut être transportée loin du feu

Et c’est avec le chauffage central que la notion de « température de consigne » fait son entrée. Car pour pouvoir dimensionner un radiateur (notez… on parle encore rayonnement), il faut estimer la puissance à émettre. Et pour calculer cette puissance, il nous faut… des températures. 

Quelques pas encore, et nous voici avec un raisonnement bien ficelé : « pour être bien, il nous faut une température X fournie par des émetteurs de puissance Y ». 

Vous avez vu le tour de passe-passe ? Un artifice de calcul (la température) devient un critère de confort

Est-ce légitime ? Bof bof… 

D’abord parce que la température de l’air ne résume pas une sensation de « Aaaaaaah, qu’on est bien ». Ensuite parce que l’hypothèse d’une température homogène (en supposant qu’on le souhaite) est bien loin d’être satisfaite en tous points d’une pièce ou d’un logement. 

Il se passe des choses assez complexes entre « je me sens bien » et « j’affiche 21°C sur le thermostat du salon »...

Quand on approfondit, on se rend compte que l’inversion de logique est complète :

  • on se chauffait « au cul » d’autres process à plus haute température, et le chauffage central sert uniquement à faire de la chaleur humainement utilisable ;
  • on se rassemblait autour de points chauds locaux, et le chauffage central distribue la chaleur loin du point chaud principal ;
  • on se fiait à un critère « Aaaaaaaah, qu’on est bien ! », et le chauffage central érige la température en critère de confort ;
  • les espaces étaient thermiquement contrastés (des endroits chauds, des endroits froids), le chauffage central vise à l’homogénéité.
  • on gérait le bien-être du corps (par les vêtements, par des accessoires, par la proximité des autres), le chauffage central cherche à maîtriser les ambiances. 

Cette inversion est tellement profonde qu'elle a pu modifier profondément notre organisation familiale. La recherche de chaleur était un motif de rassemblement dans les pièces de vie. Avec le chauffage central, toute pièce devenant une potentielle "pièce de vie", plus besoin de se rassembler. On peut tout à fait s'enfermer dans la chambre, tout.e seul.e.

 

Le chauffage, histoire d’une ascension fulgurante

 

Élimination de la concurrence

Si on retrace l’histoire de l’utilisation de la chaleur par l’homme, on voit que le chauffage des locaux n’est vraiment pas, mais alors pas du tout la star de l’histoire. 

Comment se fait-il alors qu’on en soit arrivé à la situation actuelle, avec le roi-chauffage, la star incontestée des discussions énergétiques ? Pourquoi, dans l’immense majorité des cas, la discussion sur la « performance énergétique des bâtiments » se résume-t-elle à une discussion sur le chauffage ? 

Pour que cela advienne, il a fallu la combinaison de plusieurs choses.

D’abord, de l’énergie abondante, facilement manipulable et peu chère. Quand vous êtes dans l’abondance, vous avez moins à choisir ce qui est prioritaire. 

Mais surtout, une quasi-disparition des process de l’habitat, ou en tous cas, la disparition du champ visuel. Quand vous deviez alimenter à la bûche la cuisinière pour cuire (ou réchauffer) chacun des repas, quand vous deviez préparer vous-même chaque litre d’eau chaude, vous aviez un contact direct avec l’énergie. 

Mais dès que ces process ont été sortis de la maison ou pris en charge par des machines électriques (quelle révolution que le lave-linge !), cette énergie est sortie de notre vie. L’électricité (invisible) chauffe de l’eau dans la machine (invisible), eau que l’on vidange ensuite (invisible). 

Et le chauffage centrale mets hors de notre vue le lieu de production de la chaleur. Le "chaud" est parti... et les personnes âgées, dans les EHPAD, tâtent désespérément des radiateurs semi-tièdes pour tenter de le retrouve.

Ajoutons à cela le choix « stratégique », dès le début des calculs réglementaires, de ne jamais considérer les usages mobiliers comme apport énergétique, et c’est terminé : les « process » ne sont plus dans le champ de la réflexion.

 

L’empereur chauffage

Ce que je décris est peut-être un résumé excessif. Mais j’espère que vous voyez de quelle manière nous avons pu passer d’un monde où le chauffage n’était même pas un sujet, à un monde où il est LE sujet. 

Regardons comment, schématiquement, on élabore la stratégie énergétique d’un bâtiment de nos jours. 

  1. On dessine une enveloppe (des murs, des matériaux, des ouvertures). Si on a un concepteur « sensibilisé », il fait attention à bien isoler et à « chercher des apports gratuits ». Notez ce terme bien vicieux : des « apports gratuits », c’est un chauffage qu’on ne paye pas. Car, bien sûr, il FAUT du chauffage. 
  2. On décide qu’il faudra maintenir une certaine température, variable selon les conventions. Pas de « Aaaaaaaah, qu’on est bien » : une température.
  3. Grâce aux données de climat et sur l’enveloppe et l’hypothèse de température, on dimensionne un chauffage (puissance, besoins, etc.). Eventuellement, on reboucle vers l’étape 1 pour tenter de diminuer ces besoins. 
  4. On choisit une énergie pour alimenter.
  5. Bien… maintenant, on a le chauffage… il est temps de s’occuper de l’eau chaude… Allez hop, 50l. par habitant, et ça va le faire…
  6. Ah… j’allais oublié… il y a quelques machins électriques, de l’éclairage… 
  7. Et voilaaaaa !!! Je vous ai fait une étude thermique !

Voyez-vous l’empereur chauffage à l’oeuvre ? Nous avons d’autres indices de son écrasante domination. 

En voici deux. 

Article 24 de l’arrêté du 26 octobre 2010 (texte fondateur de la RT2012) :

« Dans les bâtiments ou parties de bâtiment à usage d'habitation, une installation de chauffage comporte par local desservi un ou plusieurs dispositifs d'arrêt manuel et de réglage automatique en fonction de la température intérieure de ce local. »

Traduction : un appareil qui produit de la chaleur mais ne dispose pas de " dispositif d’arrêt manuel et de réglage automatique en fonction de la température" … n’est pas un chauffage. Un poêle à bûches n’est PAS un « chauffage ». Un appoint, tout au plus. 

Et celui-ci est le plus flagrant, à mon sens : il n’est pas possible de faire un calcul réglementaire si vous ne définissez pas de système de chauffage. Vous obtenez un message d’erreur. Parce que la réglementation est bâtie sur ce postulat : un bâtiment d’habitation a forcément un chauffage. Et un chauffage « comporte un réglage automatique en fonction de la température ». 

Voyez-vous le piège se refermer ? 

 

Résumé des épisodes précédents

Voici une version abrégée de ce que nous avons vu.

Pendant des millénaires, les hommes ont habité des lieux dans lesquels ils manipulaient, parfois, de grandes quantités d’énergie pour des « process ». Dans ces lieux, il récupéraient et profitaient de la chaleur fatale pour se faire du bien. 

Ailleurs (par exemple pour dormir), ils se débrouillaient avec leur corps robustes, des peaux de bêtes, des édredons, des chaufferettes, des kotatsu, bref, tout un tas de machins énergétiques qui rendaient la vie plus voluptueuse. 

Puis le chauffage central est arrivé, avec sa copine la « température de consigne ». En quelques décennie, il a re-défini ce que devait être le confort (exit, la volupté !), imposé un mode de réflexion dont il a exclu les process. Il s’est construit SA réglementation qui ne parle (presque) que de lui, réduisant les process à de vulgaires consommations complémentaires destinées à des services annexes.

Et dans ce mode de pensée, le choix du « meilleur chauffage » devient effectivement un problème trrrrrrèèèèèèèès important !

 

Mort au chauffage

 

Penser à l’envers

Mais… un petit groupe d’irréductibles designers énergétiques résistent. Ce n’est pas parce que la « ligne du parti » impose un mode de pensée qu’il n’est pas possible de réfléchir autrement. 

En particulier, rien n’interdit de revenir à la pensée originelle. Au fonctionnement énergétique naturel à l’œuvre depuis la nuit des temps.

Et dans ce mode de pensée, il y a une ligne directrice : le meilleur chauffage, c’est… pas de chauffage.

Le chauffage est une sous-solution, une béquille mal fichue pour les pseudo-concepteurs qui n’aiment ni l’énergie, ni les gens. Le chauffage, c’est naze. Le chauffage, c’est nul et ça pue. Personne n’en veut. A mort le chauffage !!

(Oui bon, ça va, on a compris, pas besoin d’être grossier… Où veux-tu en venir ?)

Ah oui, excusez-moi, je m’échauffe… tout seul... sans chauffage... comme quoi, c'est possible...

Reprenons : depuis la nuit des temps, le « chauffage », au sens de « quelque chose qui a pour but d’élever la température d’une pièce pour que les gens soient contents », ça n’existe pas. OK, peut-être dans le sauna… mais est-ce vraiment une « pièce » ? Plutôt un process… 

Donc, la bonne réponse est : « le meilleur chauffage, c’est pas de chauffage ». 

Et je ne parle pas ici de « bioclimatisme » ou « apports gratuits ». Non. En tous cas, pas dans un premier temps. Parce que ces « apports gratuits », si on les pense comme un « chauffage gratuit », nous empêchent de poser une pensée nouvelle. 

Quand je dis « pas de chauffage », j’entends : revenir à l’ordre logique de l’énergétique. Profiter d’abord des process à haute température, et se contenter de leurs sous-produits.

Nous ne sommes plus au Moyen-Âge, me direz-vous ? Mmmmmh... on gère les épidémies comme au 14ème siècle, pourquoi pas notre bien être ? Je plaisante...

Donc non, certes non, nous ne sommes plus au Moyen-Âge… mais les process sont largement revenus dans nos foyers. En fait, si on sait les voir, ils ne sont jamais vraiment partis…

 

Le retour de la cascade

Si vous avez lu cet article ou si vous vous formez au Design Energétique, vous savez qu’il y a une « hiérarchie »  dans les formes de l’énergie. 

Je ne vais pas reprendre tout le cours, mais si on regarde les principaux services habituels dans un logement, nous aurons :

Dans cette hiérarchie, le chauffage est à sa place : tout en bas. Qu’il y reste…

Regardons maintenant ce schéma, qui illustre le principe d’une « cascade énergétique », dans laquelle on peut récupérer les sous-produit d’un process plus élevé.

(dans ce schéma, on n’a pas inclus la chaleur métabolique, dissipée par les êtres humains). 

Que constate-t-on ? 

Que si l’on veut atteindre le cas idéal du « meilleur chauffage » (donc… pas de chauffage), il nous faut faire un inventaire précis, obsessionnel, même, des sources de chaleur récupérables situées en amont

C’est ce que le Designer Energétique appelle la cartographie énergétique. Elle nous permet d’identifier la ressource réelle, en faisant le tri entre les process fiables et indispensables, et ceux qui sont négociables. 

Cela ne s’apprend pas en quelques lignes, c’est un vrai travail, et les outils existent. Et quand vous avez cette information, vous avez… une mine d’or !

Parce que le travail de concepteur consiste alors à dire qu’il s’agit de la seuleressource dont on dispose, et qu'on va s'en contenter. Et nous pouvons alors concevoir des lieux qui ne vivent qu’avec cette seule ressource, sans ajouter de "chauffage" à proprement parler 

Cette ressource est faible ? Oui, probablement. Tant mieux. 

C’est impossible ? Non, ça ne l’est pas. Aujourd’hui, le bâtiment le plus performant au monde est construit très précisément sur ce principe. 

Mais pour que cela devienne possible, il faut aller au fond de ce qui est négociable et régler son compte à un ennemi farouche : la température. 

Car on ne conçoit pas pour atteindre une température de consigne, on conçoit pour obtenir un « aaaaaaaah, qu’on est bien ! ». Donc… le mode de vie est aussi un paramètre de conception, sinon le principal.

Il nous faudra donc comprendre ce qui provoque un « aaaaaah, qu’on est bien ! ». Peut-être utiliser des appareils qui produisent de la chaleur - mais pas au sens de la réglementation.

Ces appareils, ils seront donc majoritairement rayonnants, locaux, ponctuels et de faible puissance. Comme ce qu’on a toujours fait. 

En clair : pour avoir le « meilleur chauffage », nous menons une conception exactement inverse de ce que propose la voie réglementaire et conventionnelle. 

 

Doit-on forcément être hors la loi ?

Evidemment, quand on dit qu’une véritable conception voluptueuse et basse consommation se mène exactement à l’inverse de la réglementation, on pourrait croire à une incitation à l’illégalité. 

Il n’en est rien. 

Tout simplement parce qu’il y a une différence fondamentale entre « conception » et « réglementation ». Le législateur lui-même, le CSTB lui-même affirme avec constance et depuis des années que la réglementation n’est PAS un guide de conception. 

Dans les faits, elle l’est. Pour tout ceux dont l’objectif est d’être « juste pas trop médiocre ». Ceux qui aiment voir le couperet réglementaire leur passer juste sous les fesses. Le genre de gens qui considèrent que si l’arbitre n’a pas sanctionné Schumacher en 1982 après sa sortie sur Batiston, c’est qu’il n’y a pas faute…

Mais ceux qui veulent d’abord bien concevoir savent que la réglementation est une question annexe. Ils s’en accommodent. Et les cas sont rares (je n’en connais pas…) où un bâtiment conçu dans les règles de l’art énergétique selon les principes que j’évoque a des difficultés avec le calcul réglementaire. 

 

Conclusion - Quel est le meilleur chauffage ? 

 

Au terme de ce voyage, nous arrivons à une quadruple conclusion.

  1. le meilleur chauffage, est basé sur des utilisation d'énergie qui font autre choseque du  chauffage. En se basant sur le principe de la cascade énergétique, on en conclut qu'un chauffage est d'autant plus mauvais qu'il fait seulement du chauffage. Un radiateur, c'est nul. Une bouilloire, c'est mieux. 
  2. une conception « meilleur chauffage = pas de chauffage» se mène à l’inversede la logique réglementaire, en commençant par les process pour terminer par d’éventuels systèmes d’appoints.
  3. Les (éventuels) meilleurs systèmes d’appoint sont locaux et principalement rayonnants.
  4. On conçoit systématiquement en vue d’un « aaaaaaaah qu’on est bien », et jamais en fonction d’une température de consigne. 

Voici pour les grands principes. 

 

Maintenant… ne nous faisons pas trop d’illusion. Ce n’est pas parce que la logique voudrait qu’on aille complètement à l’inverse de la pensée dominante que c’est simple ou toujours possible, ne serait-ce que parce que, nous l’avons vu, le principal objet à concevoir est le mode de vie. C'est beaucoup plus facile de concevoir une chaufferie qu'un mode de vie...

Et soyons honnête : l’offre standard actuelle convient suffisamment à un grand nombre de personnes, satisfaite d'un "confort" standardisé et surconsommateur. 

Mais il y a au moins deux publics pour lesquels cette approche « inversée » du « meilleur chauffage » est particulièrement pertinente :

  1. les gens pour qui la « basse énergie » n’est pas seulement un calcul, mais une réalité vécue, une quête. Ceux-là iront chercher l’énergie et les marges de manoeuvre là où elle sont. 
  2. les gens pour qui l’énergie n’est ni abondante, ni bon marché, ceux qui sont en réelle précarité énergétique. Parce que pour ceux-là, l’enjeu est de maximiser le « aaaaaaaaah, qu’on est bien » le plus intelligemment possible. Pour eux, la voie dominante du couple « chauffage / température » est contre-productive.

C’est à ces gens, en particulier, que je pense. C'est d'ailleurs pour ces personnes, spécifiquement, que j'ai récemment écrit cet article.

Ne nous y trompons pas : le chauffage, à l’origine, c’est un truc de riche, quelque chose pour ceux qui peuvent se permettre d’utiliser de l’énergie bêtement. Nombre de nos malheurs, comme dans beaucoup de domaines, viennent d'une tentative de généralisation d'un "truc de riche" à l'ensemble de la population. Pensons aux pelouses inutiles, à la maison individuelle, aux sushis, aux voyages en avion, etc. On peut ajouter à cette liste le chauffage central...

Tout au long de l’histoire, ceux qui n'avaient ou n'ont pas les moyens d'un usage bête de l'énergie ont trouvé des solutions à la fois intelligentes, économes et voluptueuses.

Rien ne nous oblige à rester dans ce modèle que "les riches de l'énergie" tentent encore et toujours de fourguer pour "améliorer la condition" de ceux qu'ils estiment moins chanceux...